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Le Défi Everest sur une pente glissante

durée 22 août 2023 | 16h40
  • François Drouin
    Par François Drouin

    Directeur de l'information, journaliste

    Après 11 ans d'existence et plus de 1,5 M$ de retombées dans la collectivité, le Défi Everest affronte son plus important défi. À la croisée des chemins, confronté à un manque cruel de ressources, le conseil d'administration s'est résolu à annuler l'évènement qui devait avoir lieu les 16 et 17 septembre prochains dans la côte St-Pierre de Rivière-du-Loup. Seule «l'École au sommet» est maintenue. Une mise sur pause temporaire… qui pourrait s’étirer dans le temps.

    Après un moment de réflexion, son fondateur, Yvan L'Heureux, pousse un long soupir. «C'est une très bonne question, très pertinente. Ce n'est clairement pas de gaieté de cœur que le conseil d'administration et moi avons pris cette décision. Ça me déchire, mais il n’y avait pas d’autre choix pour cette année. Pour 2024… les prochains mois le détermineront», souligne-t-il, la voix basse.

    Une décision basée sur le manque de ressources disponibles, sur le retard accumulé dans la préparation de l’édition 2023 et sur le manque de moyens logistiques. Le départ du coordonnateur opérations a aussi eu un impact, car il est survenu alors qu’Yvan L’Heureux lui-même souhaitait se désengager de l’organisme.

    «J’étais au milieu de nulle part en pleine course transpyrénéenne. Les gilets n’étaient pas prêts. Nous n’avions plus de ressource et il restait encore plein de trucs à attacher, et je n’étais tout simplement pas là. Je suis un gars de défi, mais cette fois, je savais que la décision à prendre ne serait pas le "fun". Je ne blâme personne d’autre que moi, je souhaitais en faire moins, j’en ai fait moins.»

    LÂCHER PRISE

    Déjà l’an dernier, Yvan L’Heureux avait annoncé ses couleurs en indiquant son désir de passer le flambeau. «En haut de la côte (St-Pierre), j'avais dit au préfet Michel Lagacé que c'était ma dernière année. Je voulais consacrer du temps à mon amoureuse qui le mérite, à ma famille, mais aussi à ma clinique et à mon école d'arts martiaux. (…) Je voulais voir si le Défi était mature, si la population était prête à prendre le Défi en main et le porter encore plus loin avec la ressource que nous avions.»

    Le flambeau tendu, lui, n’a pas trouvé preneur. Pourtant, après deux étés pandémiques, le succès a été au rendez-vous l’an dernier alors que plus de 2 400 grimpeurs ont gravi la côte St-Pierre.

    C’est que le mandat est exigeant en temps, mais aussi en énergie, alors qu’Yvan L’Heureux souligne consacrer une moyenne hebdomadaire d’une vingtaine d’heures à sa planification. Au total, c’est une décennie pendant laquelle il a fermé sa clinique d’acuponcture une journée par semaine pour s’y consacrer, et c’est sans compter les heures de soirs et de weekends.

    «En 2018/2019, j'ai donné une année entière au Défi, à temps plein. J'ai fermé ma clinique. Mon but était de le propulser dans six villes au Québec (Sherbrooke, Saint-Georges, La Pocatière, Rimouski, Témiscouata-sur-le-Lac et Rivière-du-Loup) et on l'a fait. Nous avons réussi... mais la pandémie est arrivée».

    Malgré les mesures d'isolement et le couvre-feu, l'organisation a persévéré et a fait preuve de créativité et d’abnégation. Yvan L’Heureux a lancé avec succès la «SolidariCourse». Après le télétravail, on a couru à relais en Outaouais, à Québec-Lévis, à Montréal, en Estrie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean et bien évidemment à Rivière-du-Loup. Lors de ces sept semaines, ce sont plus de 58 000 $ qui ont été amassés pour les banques alimentaires. L’année suivante, en 2021, Yvan l'Heureux et son comparse Richard Turgeon ont parcouru 1 300 km en seulement dix jours, tantôt en vélo, tantôt à la course, pour amasser des fonds, mais surtout, garder la flamme vivante. Mais l’usure et les problèmes de santé qui limitent aujourd’hui l’athlète l’ont forcé à revoir sa liste de priorités.

    ENGAGEMENT

    «La pandémie, ç'a passé la hache dans le bénévolat et dans l'envie des gens de s'impliquer dans leur communauté», explique-t-il. Ce dernier regrette aussi un manque d’engagement de la Ville de Rivière-du-Loup, à qui il reproche une timide implication. «On a besoin de plus que des barrières. C’est majeur comme évènement, c’est un joyau, et ce qui reste comme activités sportives en Ville, c’est famélique. Une chance et j’insiste pour le souligner, une chance que la MRC [de Rivière-du-Loup], avec à sa tête le préfet Michel Lagacé, a été un partenaire extraordinaire au fil du temps.»

    Sent-il que le Défi Everest a été pris pour acquis ? La réponse est aussi lapidaire que directe : «Oui. Oui, car j’ai vu des villes se fendre en quatre pour leurs évènements, dont Sherbrooke qui nous a accueillis les bras ouverts. Je me serais attendu à plus ici, où c’est né.»

    ANNÉE PROCHAINE

    Yvan L’Heureux l’admet, le conseil d’administration est épuisé, lui aussi. «Je ne veux plus tenir ça à bout de bras. Le CA, ce sont des gens exceptionnels qui donnent la ressource la plus précieuse, le temps. Le temps parce que contrairement à l’argent, ça ne revient pas. Cette année, nous ne pouvions pas offrir un Défi tel qu’on souhaitait le tenir. L’année prochaine ? Je ne sais pas.»

    L’organisateur ne s’en cache pas, le départ de Régis Malenfant, qu’il considère comme le cœur même de l’organisation, a été impossible à remplacer. Il souhaite toutefois que l’École au sommet, qu’il voit comme le legs le plus important de son ami au Défi, puisse perdurer dans le temps, quitte à être récupéré par les Centres de services scolaire.

    «Ça ne m’appartient pas. La côte a toujours été là. J’ai été une allumette, l’initiateur. Si une mobilisation se met en branle, j’en serai immensément fier et heureux.»

    Pour lui, le Défi a besoin d’une nouvelle locomotive pour le tirer vers la réussite.

    L'ÉCOLE AU SOMMET

    Rappelons que le module l’École au sommet est maintenu cette année. L’évènement aura donc bel et bien lieu le vendredi 15 septembre en matinée. L'organisation attend donc plus de 1 600 élèves dans la côte St-Pierre pour relever le défi. «Notre but a toujours été de faire bouger, c'est au cœur de notre mission et c'est la création de Régis Malenfant. Je suis absolument heureux que l'École au sommet soit maintenue. Notre base, ce sont les jeunes et c'était important, vital, d'aller de l'avant avec eux», a commenté M. L'Heureux.

    L’organisation a tenu à rassurer les personnes inscrites à l’un des autres modules comme le Macadam Ultra, le Macadam Ado ou le Défi en équipe pour 2023 qu’elles seront remboursées en totalité. De plus, les dons recueillis jusqu’à maintenant seront distribués aux organismes récipiendaires tel que prévu.
     
    LE DÉFI EN BREF

    Créée en 2012, le Défi Everest a redonné 1,5 M$ à plus de 400 organismes. Plus de 20 000 participants ont répondu à l’appel. Le Défi Everest a été le premier organisme à retourner 100% des dons reçus.

     

     

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