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Quand la technologie chamboule des vies

Un Pistolois d’adoption forcé de quitter le pays

durée 3 septembre 2023 | 06h57
  • Lydia Barnabé-Roy
    Par Lydia Barnabé-Roy

    Journaliste de l'Initiative de journalisme local

    Le cinéaste et pistolois d’adoption, Simon Croz, est expulsé du Canada par le gouvernement fédéral. Forcé de quitter le pays, il doit laisser sa famille et sept ans de sa vie derrière pour retourner en France. En cause : les dédales de l’administration d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et la transition numérique de toutes demandes.

    Tout a commencé en juillet 2022 alors que Simon Croz a envoyé un renouvellement de son permis de travail ainsi qu’une application à une résidence permanente à l’IRCC. Son dossier lui est renvoyé au début septembre 2022, car une des nombreuses preuves demandées était incomplète. 

    Dix jours plus tard, le Pistolois renvoie ses demandes pour n’avoir qu’un nouveau retour deux mois plus tard. «Le gouvernement m’a informé qu’il n’acceptait plus les dossiers papier, qu’il avait fait une transition numérique et qu’il fallait dorénavant faire les applications dans deux programmes différents : un pour les résidences permanentes et un pour les permis de travail», a-t-il raconté. 

    «Il a changé son système sans créer une zone tampon pendant quelque mois, par exemple, tous les gens sur leurs dossiers papiers continuent leur demandes», reproche le pistolois.

    M. Croz s’est donc plié à cette nouvelle exigence et a recommencé ses demandes en décembre 2022. À ce moment, le délai de renouvellement de son permis de travail était dépassé, ce qui lui a valu un refus de travailler, la perte de son statut juridique au Canada et une injonction à quitter le territoire le 5 mai dernier. 

    «J’ai reçu un courrier un jeudi matin qui me prive de l’entièreté de mes droits dans le pays dans lequel je vis depuis sept ans», souligne le cinéaste bien connu au Bas-Saint-Laurent. «Les délais que j’aurais dû respecter, qui l’étaient lors du premier envoi, s’étaient envolés.»

    L’IRCC a donc refusé une de applications du pistolois sans l’aviser que le retard encouru pourrait lui couter son permis. Dès lors, lui qui était directeur général chez Paraloeil, a dû renoncer à son travail «de rêve» pour répondre aux exigences canadiennes. Ce dernier croyait aussi que la situation pouvait se régler rapidement. Mais quatre mois plus tard, cet espoir a disparu.

    PARRAINAGE DE CONJOINT

    Simon Croz a effectué sa demande de résidence permanente par parrainage de conjoint. Le traitement d’un dossier prend actuellement 25 mois au Canada pour le Québec, alors que d’eutres provinces canadiennes ont un délai de 10 mois. 

    «Déjà il y un écart de traitement entre le Québec et les autres provinces. Et pendant que je j’attends ma résidence permanente demandée par parrainage de conjoint, ce qui sous-entend que j’ai une famille; donc des responsabilités qui vont au-delà de ma seule personne, le gouvernement du Canada n’a pas le droit de demander une expulsion du pays et doit donner un permis de travail», soutient le cinéaste.

    «C’est ici que j’ai envie d’être.» -Simon Croz

    Selon la politique d’intérêt public, il est protégé durant la revue de son dossier. Elle stipule que : «Les personnes parrainées dans la catégorie des époux et conjoints de fait au Canada peuvent obtenir un permis de travail ouvert pendant le traitement de leur demande, […]». Ils peuvent donc attendre une réponse à leur demande sans avoir à quitter le Canada tout en gardant leur statut juridique et en restant avec leur famille.

    «C’est comme s’il n’avait pas fait le lien [de mon permis de travail] avec la résidence permanente», remarque Simon Croz. En version papier, il envoyait ses deux demandes ensemble, alors que numériquement, il a dû appliquer à deux programmes différents.

    Dans cette situation, le cinéaste ne sait plus vers où se tourner. Il a essayé de rejoindre le gouvernement, sans grand succès. Il a aussi rejoint les députés de la région qui vont en leur possible pour l’aider. «On ne peut pas demander une résidence permanente par parrainage de conjoint, avoir une famille, être au Québec et d’un coup se faire renvoyer dehors et devoir passer 25 mois à l’extérieur de pays le temps du traitement, surtout quand on a un emploi, c’est aberrant comme situation», dénonce-t-il.

    RETOUR EN FRANCE

    Le cinéaste a vécu quelques mois dans cette situation, mais ne peut plus tenir le coup. «Je pars maintenant parce je n’ai plus d’espoir que mon dossier va être réglé à court terme et j’ai besoin de faire entrer de l’argent pour les besoins de ma famille», informe-t-il. Dans deux semaines, si rien n’a bougé, il sera contraint à retourner en France, à l’étranger, dans l’attente et loin de sa famille.

    Sans couverture médicale ou d’assurance-emploi, il ne peut continuer à être «dans les limbes, dans un ‘no man’s land’». «Je ne peux pas croire qu’une erreur dans un papier puisse mener à cette situation, se désole Simon Croz. De tout perdre du jour au lendemain, ce n’est pas normal».

    Mais «les choses avancent, et moi aussi il faut que j’avance», confie-t-il. 

    La Ville de Trois-Pistoles a adopté une résolution pour soutenir le Pistolois d’adoption dans ses démarches le 12 juin.

    «Simon c’est un cas d’école parce que c’est quelqu’un qui est déjà très impliqué dans sa communauté, qui avait un très bon travail, qui était reconnu pour sa compétence, qui a une famille, qui est établi, qui a étudié en partie au Québec. C’est un cas vraiment particulier, car si sa demande à lui, à une personne comme ça, réussit à tomber dans les craques, je n’imagine pas le nombre de personnes qui doivent avoir des problèmes avec leur dossier d’immigration», soulève le maire de Trois-Pistoles, Philippe Guilbert.

    Il est d’avis que des changements majeurs et drastiques sont nécessaires pour amener une meilleure qualité de vie aux immigrants: «Il y a de grosses améliorations à apporter au ministère de l’Immigration, à toute cette paperasse-là parce que c’est tellement lourd et pénible». L’élu espère que Simon Croz arrivera à obtenir un sursis pour régler sa situation.

    Une pétition sur la plateforme en ligne change.org a aussi été lancée le 28 aout dernier. La journée de son lancement, elle a récolté près de 1 250 signatures. En date du 31 aout en journée, ce nombre s’élevait à près de 10 000.
     

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