À l’ile aux Basques en voiture
«Je vous parle d'un temps, que les moins de vingt ans, ne peuvent pas connaitre», chantait Charles Aznavour avec La Bohème. Ce bon vieux temps, diront les plus vieux, s’étiole comme la banquise sur le fleuve. Une banquise qui autrefois, permettait de gagner l’ile aux Basques, en face de Trois-Pistoles… en Renault 5, rien de moins !
C’est l’exploit qu’a réussi André Drapeau, résident de Rivière Trois-Pistoles il y a un peu plus de 40 ans. La date précise, comme dans toute bonne légende, est un peu floue, mais se situe quelque part en 1984. L’homme aujourd’hui âgé de 82 ans n’est plus en mesure de s’exprimer. Mais… un porte-parole bien en verve s’est fait un plaisir de dissiper le brouillard qui couvrait ce fait d’armes.
L’ancien maire de Trois-Pistoles et ancien gardien de l’ile entre 1991 et 2022, Jean-Pierre Rioux, avait eu ouï-dire de ce tour de force. «J’avais entendu parler de différentes sources qu’un citoyen de Rivière Trois-Pistoles, André Drapeau, personnage que je connais bien et que tous les citoyens de la place connaissent, s’était rendu en plein hiver en auto jusqu’à l’ile aux Basques, mais il me fallait une preuve», raconte M. Rioux.
Cette preuve, elle est arrivée tout récemment par l’entremise de Claude Dumont, ami de M. Drapeau et lui aussi résident de Rivière Trois-Pistoles. «Il m’a raconté avoir vu ces photos, et je lui ai demandé s’il pouvait les demander à André, que je puisse les voir afin de pouvoir commencer à y “croire”! Maintenant j’y crois», lance M. Rioux en riant.
Jean-Pierre Rioux a bien vu les photos et il a tout de suite reconnu André Drapeau, immortalisé par son ami Normand Lévesque, assis sur la galerie du chalet Léon Provencher, la Renault Le Car (Renault 5) bien visible en arrière-plan. Sur une autre, on aperçoit le plus petit des trois chalets que compte l’ile, le Rex-Meredith.
Si la région compte quelques ponts de glace, pensons à ceux de l’ile Verte et du lac Témiscouata, l’ile aux Basques qui est un refuge d’oiseaux migrateurs, se retrouve isolée l’hiver. Elle est située à environ 5 kilomètres au large de Trois-Pistoles, une distance minimale qu’a dû parcourir André Drapeau dans sa petite Renault 5, attentif au moindre craquement, au moindre son suspect.
M. Drapeau est parti du quai de Rivière Trois- Pistoles et a parcouru les 5 kilomètres qui séparent l'île de la terre ferme, un passage plus «sécuritaire» à marée basse lors des grandes marées. «L’autre aspect est qu’il doit y avoir des températures “sibériennes” pendant des semaines avant de se risquer à le faire. Faut connaître les lieux et fonds marins qui nous séparent de l’île», ajoute M. Rioux.
Dix ans plus tard, le 3 février 1992, au lendemain de son quarantième anniversaire, c’était au tour de M. Rioux de gagner l’ile, lui aussi en plein hiver, mais cette fois en ski de fond. Avec le recul, il déconseille vivement de s’aventurer dans un tel périple.
«André n’aurait pas pu le faire au cours des dernières années, car les glaces ne pourraient pas supporter le poids. Cette année, il n’y a même pas de couvert qui sépare la rive sud de l’ile aux Basques, se désole-t-il. Si on veut s'aventurer sur les glaces, il faut vraiment connaître le coin. Ce n’est pas fait pour des novices et des non connaissants des lieux.»
L’ILE AUX BASQUES
L’histoire, la nature et la faune meublent ce cap rocheux fait d’ardoises et de grès qu'est l’ile aux Basques. Son histoire est marquée par ces Basques, venus entre 1580 et 1630, y faire fondre la graisse de baleine, mais aussi par sa flore abondante et riche. Elle compte 336 espèces différentes, réparties en 58 familles. Les ornithologues ne sont pas en reste puisqu’on y dénombre 229 espèces d’oiseaux.
Longue de deux kilomètres, l’ile aux Basques, devenue sanctuaire, est protégée depuis 1929 et appartient à la Société Provancher, un organisme à but non lucratif fondé en 1919. Depuis le 5 juillet 2001, Parcs Canada considère l’ile aux Basques comme étant un lieu historique national.
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