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Un jardin aux racines multicolores

durée 18 août 2024 | 06h55
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    La nourriture rassemble, rapproche et unit. Partager un repas est une façon d’en apprendre davantage sur ses voisins et ses amis. Dans le contexte d’immigration, c’est aussi un excellent point de rencontre culturel, un vecteur d’intégration. Une opportunité mise de l’avant cet été par la Manne rouge de Rivière-du-Loup à travers un projet de jardin communautaire aux racines multicolores. 

    C’est un mercredi soir de juillet dans un champ de la rue Beaubien. Une table à pique-nique sert d’îlot autour duquel une dizaine de personnes sont réunies. Au centre, une salade colorée faite de légumes récoltés à proximité, de petits fruits, d’herbes fraiches et de fleurs comestibles est assemblée. Un arc-en-ciel de couleurs et de saveurs, parfois inhabituelles, qui ouvre la porte à la discussion. 

    «Voici de la monarde», mentionne Véronique Bourassa, une des administratrices de la Manne rouge, à travers un bouquet de capucines, bouraches, mauves et pensées. «C’est comestible et délicieux, un petit peu épicé.»

    «Laquelle? Laquelle est épicée?», rétorque Wilder Bautista Leon, un nouvel arrivant originaire du Pérou. La question, qui trahit son appréciation du piment et des épices, fait rire les convives. L’ambiance est ludique, bon enfant. «C’est très bon», confirmera-t-il, une fois qu’il en aura pris une bouchée. 

    Chaque semaine, depuis le début de l’été, des bénévoles de la Manne rouge et des nouveaux arrivants se rassemblent près des jardins de cet organisme à but non lucratif. Un moment de rencontre et de partage unique où les sourires sont à la fois nombreux et authentiques.

    Ensemble, ils découvrent de nouveaux produits de leur terre d’accueil comme la fleur d’ail ou encore la rhubarbe qui a été utilisée dans une limonade originale la semaine précédente. Ils discutent aussi beaucoup de jardinage et de la culture de légumes et fines herbes, plusieurs d’entre eux ayant la chance de mettre leurs apprentissages en pratique dans une petite parcelle aménagée à même le site pour la saison estivale. Une nouveauté de l’été 2024. 

    «UN JARDIN DU MONDE»

    L’idée a été développée ce printemps par les bénévoles de la Manne rouge. N’ayant pas la possibilité d’engager un responsable maraicher pour l’entretien des jardins collectifs, ils ont décidé de cultiver eux-mêmes les parcelles disponibles afin d’assurer la continuité d’un projet de paniers de légumes solidaires destinés à des organismes locaux. Ils ont aussi profité de cette occasion pour offrir une quinzaine de parcelles de jardin à des personnes issues de l’immigration, en collaboration avec le Centre local de développement (CLD) de Rivière-du-Loup. 

    Les petits bouts de terre ont rapidement trouvé preneurs. Les participants viennent de différents pays et s’entraident à faire pousser des légumes qu’ils connaissent déjà ou qu’ils apprennent à découvrir. Les tomates, carottes, courgettes, concombres et betteraves sont à l’honneur. Un participant a même planté des arachides, une première à la Manne rouge. 

    En quelques semaines, le projet s’est développé au rythme des cultures. Sur cette période, un constat s’est imposé : les récoltes vont bien au-delà des produits eux-mêmes. L’espace leur permet de cultiver la terre, mais contribue aussi à leur intégration sociale. Aussi bien dire qu’il n’y a pas que les légumes qui prennent racines.

    «C’est un jardin du monde!», lance Claire Bilocq avec le sourire. Il s’agit d’un nom officieux pour l’endroit, mais pertinent, estime-t-elle. «C’est un magnifique projet. Les gens se parlent et s’entraident. Tout le monde en retire beaucoup. C’est vraiment juste du beau.»

    C’est aussi ce que croit Wilder Bautista. Sa conjointe Shayna et lui, tous les deux originaires du Pérou, sont arrivés au Québec dans les derniers mois. Ils ont décidé de se joindre au projet, curieux et intéressés par la culture de légumes au Québec. L’apprentissage, soutient-il, se fait dans le plaisir et à vitesse grand V. 

    «Pour ma femme et moi, c’est une première expérience de jardinage. Chez nous, il n’y a pas cette culture-là. C’est vraiment une belle découverte. On peut voir tout le processus à partir de zéro, puis on s’émerveille des résultats. C’est vraiment magique», a-t-il confié dans un bon français. Une réussite qu’il attribue aussi, en partie, à sa participation à ce projet.  Au moment de l’entretien, son petit jardin commençait à offrir ses premiers légumes de la saison, notamment de belles et grosses courgettes. Wilder était enthousiaste et impatient pour la suite. Sa fierté était palpable. 

    «J’étais sceptique au début. J’aurais pensé que c’était nécessaire d’utiliser des produits chimiques pour produire, mais je vois que ce n’est pas nécessaire si on utilise de bonnes méthodes naturelles», a-t-il admis. «C’est un sentiment vraiment spécial de manger les légumes que tu produis.»

    Au-delà des tomates et zucchinis qu’il met sur la table, il ne cache pas que le projet a des impacts positifs à plusieurs niveaux pour sa famille. «C’est une façon d’apprendre la nouvelle culture et faire la connaissance de nouvelles
personnes. Ici, c’est commun de se rencontrer, 
de partager. Ça nous permet de nous faire 
des amis et de pratiquer la langue. C’est 
une expérience vraiment positive à tout point de vue», a-t-il expliqué.  

    «Cette expérience a contribué à notre croissance personnelle, à créer de nouvelles relations interpersonnelles, a complété sa conjointe, à ses côtés. J’ai vraiment le sentiment d’être bien accueillie, et qu’il y a de l’affection, comme dans une grande famille.»

    UN FRANC SUCCÈS

    Pour la Manne rouge, le projet est une «vraie réussite». Les retours sont très positifs et les parcelles sont non seulement occupées, mais bien entretenues. Même si les tomates, les courges et les haricots n’ont pas encore été savourés, tous s’entendent d’ailleurs pour dire que les récoltes sont nombreuses dans les parcelles et au-delà.

    «C’est une petite communauté qui s’est formée ici. [Wilder et Shayna] ont récemment emmené du pain aux bananes fait avec du chocolat du Pérou. C’était vraiment super agréable», a soutenu Véronique Bourassa, offrant un exemple parmi tant d’autres. «Chaque fois que je repars d’ici, je suis toujours émerveillée et de bonne humeur», a-t-elle ajouté. 

    Une affirmation qui rejoint aussi Claire Bilocq. «Quand on voit toute l’énergie qui est déployée ici, quand on voit à quel point ils aiment ce qu’ils font et qu’ils y croient, on se dit que c’est fantastique. Je suis très heureuse du résultat.»

    La Manne rouge ne sait toujours pas si le projet sera de retour sous la même formule l’été prochain. Peut-être que les participants seront invités à participer, tous ensemble, aux jardins collectifs. D’un jardin du monde à un «jardin pour tout le monde».  

    Pour le moment, une chose est certaine. Dans ces modestes jardins de la rue Beaubien, l’amour de la terre et de la culture québécoise s’est partagé et développé en parallèle. Une graine a été semée.

     

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