Dragage à Gros-Cacouna : les impacts sur les écosystèmes marins au centre des questions
Une dizaine de personnes ont assisté à la première séance publique tenue par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), ce lundi 28 octobre à l’Hôtel Levesque de Rivière-du-Loup, concernant le programme d’entretien de dragage au port de Gros-Cacouna. Sans surprise, plusieurs questions et préoccupations ont été soulevées, notamment sur l'avenir des écosystèmes marins et du béluga lui-même.
L’objectif de cette première soirée, qui a été suivie d’une deuxième séance organisée ce mardi 29 octobre en après-midi, était d’en apprendre davantage sur la volonté et les ambitions de la Société portuaire du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie (SPBSG).
Après avoir présenté les grandes lignes du projet, incluant les aspects techniques, les impacts à prévoir et les solutions amenées, les représentants de l’organisation et les professionnels d’une firme d’ingénierie Tetra Tech ont accueilli les questions des citoyens présents.
Les interrogations ont porté sur plusieurs points, dont l’importance de l’opération elle-même, le dépassement envisagé des normes au site de rejet pour les matières en suspension, les possibles effets cumulatifs de l’utilisation conjointe du site de rejet avec la Société des traversiers du Québec (STQ), la caractérisation des sédiments et l’optimisation souhaitée des activités du port.
Des questions sur les impacts du bruit sous-marin sur la faune, les détections visuelles et sonores des bélugas et la fréquentation des mammifères marins dans le secteur visé, durant la période de travaux, ont également été soulevées.
Notons que l’initiateur a principalement été questionné par des membres du Conseil régional de l'environnement du Bas-Saint-Laurent (CREBSL) et de la Société pour la nature et les parcs du Québec (SNAP-Québec). Ceux-ci ont d’ailleurs profité d’un temps de parole, au début de la séance, pour demander la tenue d’un examen public dans ce dossier.
Selon Patrick Morin, directeur général du CRE du Bas-Saint-Laurent, plusieurs inquiétudes persistent avec ce projet, notamment en lien avec le dragage d’urgence, le non-respect potentiel des critères de qualité de l’eau lors du rejet des sédiments en eau libre et les conséquences liées à l’utilisation concomitante du site de dépôt.
«L’organisme estime qu’il existe des lacunes concernant les connaissances de certains impacts environnementaux et les mesures d’atténuation à adopter pour l’ensemble des scénarios envisagés par le promoteur», a-t-il déclaré.
La demande d’examen, a-t-il ajouté, «n’est pas un désaveu du travail accompli jusqu’à présent. Elle repose sur le constat que devant les questions et incertitudes qui persistent à ce stat-ci, tous les moyens doivent être utilisés dans la recherche de meilleures solutions.»
De son côté, le biologiste et chargé de projet à la SNAP-Québec, Nicolas Bannester Marchand, a souligné que les préoccupations environnementales liées à ce dossier étaient nombreuses et sérieuses. Les zones de dragage et de rejet de sédiments se situent dans l’habitat essentiel et légalement protégé du béluga.
«Le projet risque d’affecter de nombreuses espèces importantes en raison de la drague, du bruit, de la remise en suspension de sédiments et des risques de collision», a-t-il soutenu.
Son organisme estime d’ailleurs qu’un contingentement du transport maritime «s’appuyant davantage sur de petites infrastructures portuaires et maritimes pour soutenir le transport de biens et personnes entre les régions, ayant moins d’impact sur l’environnement et les mammifères», serait à privilégier.
Durant la soirée, l’initiateur a tenté de répondre aux questions au meilleur de ses capacités. Des intervenants du ministère de l’Environnement et de Pêche et Océan Canada ont aussi été mis à contribution comme spécialistes indépendants.
PROJET LUI-MÊME
Rappelons que le projet prévoit, dès 2025, trois dragages d'entretien sur une période de 10 ans pour retirer un total de 180 000 mètres cubes de sédiments. Les travaux seraient réalisés sur une période de 25 à 30 jours, en continu sur 24 h, durant les mois de novembre et décembre. L’utilisation d’une drague hydraulique serait privilégiée, mais il n’est pas impossible qu’une drague mécanique puisse être utilisée.
Selon la Société portuaire, le dragage permettrait de maintenir des profondeurs sécuritaires pour que les bateaux puissent naviguer et manœuvrer dans à l’intérieur du port. Les profondeurs requises sont de 8 mètres dans le havre et 10,2 mètres au quai, ont spécifié les professionnels.
Notons que les sédiments dragués seraient rejetés en eau libre au site de l’Anse-au-Persil à Rivière-du-Loup, un endroit également utilisé par la Société des traversiers du Québec (STQ) pour ses travaux de dragage au quai de Rivière-du-Loup.
Les trois séances de dragage, qui permettraient chaque fois de retirer 60 000 mètres cubes de sédiments, soit l’équivalent de six camions semi-remorques, sont évaluées à 2 ou 3 millions de dollars chacune.
«L’orientation stratégique de la société portuaire, c’est de mettre en valeur les grands espaces d’entreposage pour le transit de marchandise […] Nos installations offrent beaucoup de superficies d’entreposage, soit environ 100 000 m2», a expliqué David Parent, directeur des infrastructures portuaires pour la Société.
Actuellement, précise-t-il, le niveau de sédimentation a atteint un tel niveau que la superficie disponible pour les manœuvres est jugée «insuffisante» pour garantir la sécurité des navires qui viennent au port.
Commentaires