Écrasés sous les bombes et les décombres à Gaza
Accord de cessez-le-feu ou non, l’impact à long terme des combats entre le Hamas et Israël sera «sans précédent» dans la bande de Gaza, notamment en raison des destructions massives et des défis que pose l’organisation des soins médicaux. Une société tout entière devra être reconstruite, selon Médecins sans frontières. Une dure réalité que le Dr André Munger peut appuyer d’observations faites sur le terrain au cours des dernières semaines.
Demandée par les organisations humanitaires internationales depuis des lunes, dont MSF, la trêve des hostilités entre le Hamas et Israël représente aujourd’hui un développement positif après une guerre de 15 mois qui a plongé le territoire palestinien dans un chaos total.
Or, si bien des questions demeurent toujours sans réponse, et que l’entente actuelle reste très fragile, un fait demeure : les combats ont été dévastateurs et les défis à relever seront «immenses» dans un territoire où des villes entières ont été rasées, anéanties.
Selon le médecin louperivois, les déplacements causés par les bombardements et la destruction des maisons ont précipité une grande majorité de la population dans des conditions de vie insalubres, voire inhumaines. «Des conditions insoutenables sur le long terme», souligne le Dr André Munger.
Entassées dans des tentes et sous des bâches, sur le sable souvent humide, plus d’un million de personnes vivent actuellement dans un périmètre d’une douzaine de kilomètres carrés, une superficie trois fois moins grande que Notre-Dame-du- Portage, le long de la mer Méditerranée. Sans accès à l’eau potable courante, à de la nourriture et à des produits d’hygiène, les maladies se propagent tout aussi rapidement que la santé de la population générale périclite.
«Actuellement, les gens sont en mode survie, mais ça ne pourra pas durer. [L’humain] ne peut pas survivre dans des conditions comme ça, c’est impossible», juge le Dr Munger. «Il faut bien comprendre ce qui se passe. La population est prise en otage. C’est une prison à ciel ouvert.»
PROBLÈMES RESPIRATOIRES ET CUTANÉS
Depuis octobre 2023, les violences perpétrées par les forces israéliennes ont causé des dommages physiques et psychologiques d’une ampleur monstre qui a submergé un système de santé fonctionnel, précise-t-il. Aujourd’hui, on ne compterait qu’une dizaine d’hôpitaux toujours en fonction «partiellement».
L’hôpital modulaire dirigé par le médecin louperivois a été installé dans les derniers mois au cœur de la zone humanitaire, à Deir al-Balah. Le centre hospitalier, qui s’est spécialisé en pédiatrie, comptait trois salles d’hospitalisation de 18 lits chacune, des salles d’opération, une urgence et une clinique externe, notamment. Elle fonctionnait grâce à des génératrices au diesel.
Appuyés par de nombreux professionnels de la santé gazaouis, les envoyés de MSF ont soigné un grand nombre d’infections cutanées, de problèmes respiratoires comme des pneumonies et des bronchiolites, et de diarrhées…pour la plupart attribuables aux conditions de vie «exécrables» dans lesquelles ils sont plongés. MSF a aussi observé une augmentation du nombre de cas de malnutrition, notamment chez les enfants qui sont particulièrement affaiblis.
«C’est inquiétant pour les prochaines semaines. Avec les nuits de l’hiver, qui peuvent descendre à 5-6 degrés, le blocage de l’aide humanitaire et la nourriture inaccessible, on craint que le nombre de cas augmente considérablement», soutient le Dr Munger, qui ne cache pas que les traumatismes psychologiques causés par la violence à répétition, la perte des proches et des maisons, les conditions de vie éprouvantes et les déplacements, représentent également un défi majeur et urgent.
Malheureusement, les ressources médicales demeurent très limitées en raison du blocus imposé par Israël. L’armée a autorisé le passage de l’aide humanitaire en des quantités minimes au cours des derniers mois. Plusieurs cargaisons ont aussi été volées, ce qui complique beaucoup le travail des équipes internationales.
Comble de malheur, les habitants de Gaza «luttent pour survivre dans des conditions apocalyptiques, mais aucun endroit n’est sûr, personne n’est épargné et il n’y a pas d’issue dans cette enclave en ruines», comme le décrit Christopher Lockyear, secrétaire général de MSF, dans un rapport publié en janvier.
Même la zone dite «humanitaire» décrétée par l’armée israélienne, où les bombardements ne devraient pas avoir lieu, n’était pas à l’abri. «Il y en avait quand même tous les jours. Certains ont été observés à moins de 500 mètres de l’hôpital», se souvient le Dr André Munger. «Les bombardements, le bourdonnement des drones, c’était incessant. Ça ajoutait au stress de la population», ajoute-t-il.
CRIMES DE GUERRE
Médecins sans frontières (MSF) a multiplié ses demandes à Israël afin qu’il cesse ses attaques ciblées ou indiscriminées contre les civils depuis le début de la guerre. L’organisation, comme d’autres ONG, a aussi imploré les alliés d’Israël d’agir sans délai pour protéger la vie des civils et faire respecter les «règles de la guerre».
Le Dr Munger est du même avis, lui dont le discours résonne aujourd’hui comme un plaidoyer pour davantage d’humanisme à travers la destruction et la mort.
«Faire la guerre, c’est une chose. On peut difficilement empêcher ça, le droit guerrier. Mais on ne peut pas faire n’importe quoi lors d’un conflit armé. Le droit international humanitaire est encadré, notamment par les conventions de Genève», a-t-il rappelé.
Il condamne les gestes terroristes commis par le Hamas en octobre 2023, mais réprouve tout autant les contrecoups d’Israël contre la population civile qui ne font «aucun sens».
«Tirer de façon indiscriminée sur les civils en voulant attaquer une cible militaire, c’est un crime de guerre. Attaquer des hôpitaux, des écoles et des lieux publics, aussi.»
«Si le droit international humanitaire n’est pas respecté, que nous reste-t-il?», demande-t-il.
Un cessez-le-feu «permanent» et «respecté» est maintenant essentiel, croit le professionnel de la santé, afin d’apporter une réponse humanitaire à la hauteur des immenses besoins à Gaza.
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