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Haïti : une travailleuse humanitaire raconte le drame

durée 18 janvier 2010 | 14h54
  • Jeannot Raymond, résident de Dégelis, nous a fait parvenir un courriel de sa sœur Micheline, écrite directement de Pétionville en banlieue de Port-au-Prince en Haïti. M. Raymond souhaitait partager avec nos lecteurs le désespoir vécu par ces gens et dont a été témoin sa sœur.

    Micheline œuvre comme travailleuse humanitaire pour le Catholic Relief Services touchant spécifiquement les orphelinats et les écoles. Elle y est depuis plus de deux ans. Le tremblement de terre a bouleversé sa vie ainsi que celle de tous les habitants de la planète. (NDLR)

    Bonjour Jeannot,

    Tu pourras dire aux gens qui étaient inquiets que j'ai la tête trop dure pour me laisser assommer par du ciment! (Rires) Ça fait énormément de bien de savoir qu'il y a des gens tout autour de moi. C'est vraiment pas facile, c'est pire que pas facile. Nous manquons de tout. Je ne prends qu'un très petit repas par jour depuis mercredi. Pas d'eau potable, pas de nourriture et le spectacle… Quel spectacle!

    Des morts alignés en pleine rue parce qu'on n’a pas encore d'endroit où les mettre (le gouvernement n'a pas levé le petit doigt encore. Nous sommes en pleine insécurité partout où nous allons. Les gens paniquent, ils ont faim, ils s'imaginent que nous avons tout pour eux. Les camions de ravitaillement se vident en 10 minutes quand ils ne sont pas carrément assaillis par des voleurs armés qui revendent à prix fort ce qui est donné par l'ONU (c'est la seule source de ravitaillement que nous avons actuellement). Et l'odeur.... indescriptible.

    On craint pour une pandémie de choléra actuellement, il n’y a pas d'eau potable nulle part. J'ai droit à une demi-chaudière de 5 gallons d'eau pour me laver chaque jour. Et il fait très chaud à Port-au-Prince (35 à 40C). À certains endroits, nous portons des masques mais il fait tellement chaud qu'on étouffe. Alors on préfère avoir la nausée et pouvoir travailler.... J'ai donné mon lunch aujourd'hui à deux enfants et une centaine sont arrivés en courant vers moi et ils m'ont presque jetée par terre. J'aurai pleuré comme un enfant.

    Des collègues et moi avions reçu un bonus en argent américain pour Noël. Avec, nous avons acheté du riz et des pois, des aliments très nutritifs et typiques de l'alimentation haïtienne et nous les avons distribués dans des petits sacs. Tu aurais dû voir ça. On aurait dit une ruée vers l'or.... l'or blanc d'Haïti.

    Le séisme a eu lieu mardi 12 janvier vers 17h 30. Nous avions eu quelques petits avertissements mais la vie normale continuait son cours. Je venais de quitter le bureau central de Port-au-Prince et j'arrivais à Pétionville, une ville située plus en montagne (15 minutes environ lorsqu'il n'y a pas de trafic) et tout à coup...... UNE IMMENSE VAGUE D'ASPHALTE DEVANT MA VOITURE!

    Tout bouge, impossible de garder le contrôle de la voiture. Une minute qui dure, dure, dure et tout s'effondre autour de moi : les murs de pierre, les toits des maisons, la route devient inondée de débris de chaque côté de moi.  Aussitôt après la première secousse, je me rends tant bien que mal à la maison et là, une deuxième secousse moins violente. Dans la maison, tout est tombé. Mozart est mort de peur. (son chien)

    Je ne sais pas ce qui vient de se passer. Tout le monde est dehors. Ça crie, ça pleure. Impossible de rejoindre qui que ce soit au téléphone. J'ai l'impression d'être dans un autre monde. Pas question de redescendre à Port-au-Prince. Je ne sais pas si je pourrai remonter. Je passe la nuit éveillée par quelques petites secousses encore et au matin, vers 5 h, je redescends à Port-au-Prince. Et là, c'est le plus grand choc de ma vie. Les gens sont tous dans les rues (imagine 2 millions de personnes dans les rues). Les bâtiments sont écrasés. On entend des gens qui pleurent, qui crient, qui prient. La ville est méconnaissable. il faut bien connaître les rues pour s'y retrouver.

    Et la poussière… Tout est gris, on voit à peine le soleil. On voit sortir des gens des ruelles. On dirait qu'ils ont 100 ans. Ils sont blancs de chaux et de poussière. Et les gens marchent, marchent sans direction. Ils sont comme des zombis, complètement sous le choc.

    J'arrive tout près de là où se situe mon bureau mais plus rien, RIEN! Comme si le souffle de Dieu avait nettoyé toute cette partie de la ville. Plus d'hôpital, plus d'écoles, des pans de mur empilés les uns sur les autres, c'est tout. Je me sens si remuée que je ne sais plus trop où je suis. Pourtant, je connais très bien la ville maintenant. L'impression d'être seule au milieu de nulle part. Impossible de rejoindre mon équipe de travail par téléphone. Il faut donc que j'aille au bureau du CRS sur Delmas (la plus grande artère de Port-au-Prince), mais quelle aventure!

    Tout est bloqué, tout est effondré (Delmas est une des plus vieilles parties de Port-au-Prince). J'y arrive enfin vers midi (et il n'y avait qu'à peu près 10  kilomètres à faire). Et voilà, je commence le travail avec une équipe de travail réduite (je suis sans nouvelles de beaucoup de mes collègues de travail encore actuellement). Des morts, des blessés, des familles décimées, des milliers d'orphelins, une ville de sans-abris.... LA MISÈRE ET LA DÉSOLATION dans son expression la plus pure.

    Si tu as des questions précises, n'hésite pas à me les poser...

    Demande aux gens de prier pour les sinistrés mais aussi pour ceux qui sont là pour aider parce que par moment, nous sommes confrontés à l'inimaginable, à l'insoutenable.
    Prenez grand soin de vous et vivez à fond le moment présent. Parfois, le futur s'effondre comme un château de cartes en l'espace d'une minute.

    Micheline

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