Tisser l’histoire collective des femmes de la région des Basques
«À l’aide de paroles singulières on crée une histoire collective», résume André-Anne Paradis, la coordonnatrice du projet «De fil en aiguille, ces femmes qui tissent l’histoire de la MRC des Basques» porté par le Centre-femmes Catherine-Leblond de Trois-Pistoles. Un maillage à grandeur humaine qui va bien au-delà de la simple couture.
Depuis la mi-novembre, une douzaine de femmes créent chacune leur propre pièce d’une courtepointe collective honorant l’engagement et le parcours de femmes inspirantes ayant marqué le territoire et la communauté des Basques. Le résultat de toutes ces pièces cousues ensemble sera présenté le 8 mars à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.
À raison d’une journée par semaine, les douze participantes âgées de 28 à 82 ans se sont réunies dans l’atelier de l’artiste Lise Bélanger de Trois-Pistoles et ont rendu hommage, grâce à leur travail manuel, à d’autres femmes importantes dans l’histoire des Basques. Un projet rassembleur qui permet non seulement de tisser des liens entre les participantes, mais aussi de faire un maillage avec la communauté et le territoire en célébrant le savoir-faire traditionnellement féminin. Marielle Lachapelle, Tiffanie Devarennes, Marie-Claude Leclerc, Suzanne Chartrand et André-Anne Paradis ont accepté d’expliquer ce qui les a motivées à ce joindre à cette initiative.
L’idée de rendre hommage à une femme de sa communauté a convaincu Marielle Lachapelle. La création de sa courte pointe s’est aussi révélée thérapeutique. «Je retiens une phrase que Lise Bélanger m’a dite : il faut apprendre à vivre avec des espaces vides. C’est directement venu me chercher. À travers mon projet, j’ai fait des liens avec ma propre personnalité (…) La reconnaissance de l’implication des femmes, on en est tellement loin encore dans la société. C’est un petit effort de se dire qu’au moins, on va se reconnaitre entre nous».
Arrivée à Trois-Pistoles en juillet 2019, Tiffanie Devarennes a pris part au projet afin de créer un lien avec d’autres femmes, tout en s’intégrant à son nouveau milieu. «Ma mère, ma grand-mère et mon arrière-grand-mère sont des couturières. L’idée, c’était de continuer cet héritage, de reprendre cet espace et de les contacter, même si je suis loin. Ça venait aussi toucher une part de moi, en plus de cette part collective du partage avec d’autres femmes».
La coordonnatrice André-Anne Paradis ajoute que la courtepointe est un vecteur afin d’actualiser la parole des femmes et de la célébrer. Elle a à la fois une portée historique, intergénérationnelle, interculturelle et elle donne une voix à chacune des participantes.
«Je voulais mettre à l’honneur les femmes pour éviter qu’elles ne sombrent dans l’oubli, en devenant de vagues photos qu’on retrouve dans des albums. J’ai des origines Malécites, alors j’ai fait des recherches sur les femmes de cette communauté. J’ai surtout ressenti de la frustration de ne trouver aucune information sur elles, qui apparaissent pourtant dans la documentation. Ma pièce s’inscrit dans la mouvance de reconnaissance des femmes autochtones qui ont été oubliées, assassinées, qui sont disparues, qui ont perdu leur statut en se mariant avec un Blanc pour survivre (…). J’ai ressenti un soulagement en créant ma pièce. Je me suis mis cette petite mission sur les épaules», ajoute une autre participante, Marie-Claude Leclerc. Pour elle, la transmission des savoir-faire de chasse, de pêche, de cueillette, des travaux manuels, et la connaissance des plantes médicinales est primordiale.
Suzanne Chartrand a été un peu plus difficile à convaincre pour se joindre au projet, mais elle y a vécu une expérience transformatrice, soutenue par les autres femmes du groupe. «J’ai adoré cela. Chacune, on vit notre histoire là-dedans. Ça change ma vie à quelque part, de pouvoir chasser les pensées négatives en me concentrant sur la fabrication de ma pièce à chaque semaine. Les mouvements répétitifs m’occupent l’esprit. Ce n’était jamais un fardeau de participer aux ateliers chaque semaine», complète-t-elle.
Ce projet de médiation culturelle par l’intermédiaire de la création d’une courtepointe collective a été imaginé par Amélie Brière ressource en culture à la MRC des Basques et Aline Denis coordonnatrice du Centre-femmes Catherine-Leblond. André-Anne Paradis a coordonné ce projet dans le cadre de son stage de fin d’études au baccalauréat en psychosociologie des relations humaines à l’Université du Québec à Rimouski.
Le vernissage de ce projet collectif se déroulera le 8 mars à 14 h à la salle Édith-Martin du Centre culturel de Trois-Pistoles, situé au 145, rue de l’Aréna.
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