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Un petit chien dans une auto

durée 1 mai 2014 | 16h11

Un petit chien dans une voiture.  Ses maîtres sont entrés au café, non loin.  Ils ont laissé le petit chien dans la voiture.  Il ne fait pas trop chaud, l’homme a baissé un peu une vitre.  Le petit chien sera confortable, pourvu que ses maîtres ne sirotent pas trop longtemps leur cappucino ou leur allongé.

Le petit chien pose ses pattes antérieures sur le rebord de la porte, du côté de la rue.  Il regarde passer les voitures.  À quoi pense-t-il, dans sa tête de chien?  On dit que les chiens ne peuvent pas distinguer les couleurs, alors pour lui toutes les voitures sont grises, un gris plus pâle ou plus foncé, c’est selon…

Il ne distingue pas les couleurs, mais sa vue est excellente; il s’amuse peut-être des formes diverses : camionnettes, berlines, coupés, familiales…  Et son odorat est tellement fin qu’il doit sentir les différences entre chaque voiture.  Il s’amuse des odeurs qui passent, peut-être.

Après un moment le petit chien change de place.  Il s’installe du côté du trottoir, du côté où sont partis ses maîtres.  Chaque fois que s’ouvre la porte du café, il agite la queue, bouge les oreilles, sa truffe frémit.  Puis tout de suite il sait que ce n’est pas eux, ceux qu’il attend.  Alors il pousse un tout petit gémissement, comme un soupir de déception.

Il regarde passer les passants.  Parfois il suit des yeux telle dame qui marche lourdement, chargée d’âge et de paquets.  Ou tel adolescent qui marche vite, les oreilles bouchées d’écouteurs, l’œil rivé à l’écran de son téléphone, les pouces tapant à toute vitesse les mots tronqués de la nouvelle langue universelle.

Le petit chien n’est pas malheureux.  On dit que les chiens n‘ont pas la notion du temps qui passe.  Tant qu’il n’a pas trop chaud ni froid, ni faim ni soif, il ne sait pas depuis combien de temps il est seul.  Alors, sans doute, il ne s’ennuie pas.  Il n’est pas malheureux.

Est-ce qu’il rêve tout éveillé?  Quand il voit passer un autre chien au bout d’une laisse, il jappe un peu.  Est-ce une forme de salut?  Un avertissement (ne pas t’approcher de ma voiture!)?  Y a-t-il un langage partagé par tous les chiens du monde?

Est-ce qu’il pense?  Est-ce qu’il est sensible à la beauté des fleurs, non pour la variété de leurs couleurs, mais pour la suavité de leurs parfums?  Est-ce que le petit chien sait qu’il va mourir un jour, a-t-il peur de la mort?  Imagine-t-il un paradis ou un enfer, un dieu, une autre vie?

Mais ces questions n’ont pas de sens, ni d’importance.  Car voici que s’ouvre encore la porte du café, et cette fois ce sont eux, son maître et sa maîtresse!  Ils montent dans l’auto tiédie par le timide soleil d’avril, et le petit chien leur fait fête.  Il frétille, gémit de bonheur, ses yeux sont pleins d’extase.  Il est au paradis, avec ses dieux.  Il ne saurait se préoccuper d’une autre vie.  Il est une boule d’amour avec du poil.

J’espère qu’il est aussi important pour ses humains que ses humains le sont pour lui.
 

 

 

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