Mon premier éditeur
C'était en 1965. J'étais pensionnaire au Séminaire St-Pie X de Hauterive (cette ville neuve n'avait pas encore été annexée à Baie-Comeau). J'écrivais des poèmes depuis plusieurs années déjà, j'en publiais dans le journal l'Aquilon, j'avais gagné quelques prix à la très sérieuse Société des poètes canadiens-français. J'avais 20 ans, et une ambition : je voulais que mon premier livre soit publié avant mon 21e anniversaire. Avant la fin de mon cours classique. Avant mon entrée à la Faculté des lettres de l'Université Laval.
Ce livre, TREIZE, avait été accepté par les éditions Garneau, de Québec. Seulement voilà : chez Garneau, le calendrier des publications était chargé, et on prévoyait lancer TREIZE l'année suivante. Je rongeais mon frein. Un jour que j'allais porter un article quelconque à l'Aquilon, j'en parlai au jeune et dynamique rédacteur en chef.
Celui-ci me dit alors :
— Nous pourrions te le publier ici. L'Aquilon est la propriété des Éditions Viking. Si tu nous confiais ton manuscrit, ton livre serait la première œuvre littéraire publiée sur la Côte-Nord, puisque jusqu'à maintenant on n'y a publié que des histoires de chasse et de pêche, et un manuel de pilotage, je crois...
J'ai sauté sur l'occasion. Le jeune rédacteur en chef a fait un beau travail d'édition et de mise en marché : l'Aquilon a couvert abondamment le lancement et ses suites, et mon éditeur m'a mis en contact avec les critiques des grands journaux. En passant, le lancement a eu lieu quelques jours avant mon 21e anniversaire. Un bon mois avant la fin de mon cours classique. Une saison avant mon entrée en Lettres...
Ce jeune et dynamique rédacteur en chef d'un hebdo régional s'appelait Laurent Laplante. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, je cite un passage du journal Le Soleil du vendredi 17 mars (page 31) :
«Laurent Laplante, [...] fut éditorialiste au Devoir, collaborateur au Soleil, chargé de cours dans plusieurs universités, chroniqueur littéraire, dg de l'Office d'information et de publicité du Québec, auteur d'une trentaine de livres...»
Un grand bonhomme. Un grand journaliste et homme de lettres qui, un printemps 1965, a donné sa chance (sa première chance!) à un jeune ambitieux. Je ne suis pas devenu un «grand écrivain» : par goût et par choix, je suis resté un écrivain de province. Mais j'ai tout de même publié par la suite une bonne quinzaine de livres divers. Je suis toujours resté en contact avec monsieur Laplante. Chaque année, dans le temps des Fêtes, nous échangions quelques mots...
À Noël 2012, il m'a écrit : «Bonjour Richard. Il y a des lutins qui ne vieillissent jamais et vous êtes de ceux-là. C'est là un miracle dont vous avez la générosité de nous faire profiter. Merci et bonne année.»
Puis en décembre 2015 : «Bonne année à vous deux ! Continuez à vous concentrer sur les beautés et les bontés qui survivent de leur mieux.
Laurent.»
Fin 2016, pas de message.
Je reviens au Soleil de vendredi dernier : «Laurent Laplante] est décédé le 15 mars à l'Hôtel-Dieu de Lévis. Il avait demandé et obtenu l'aide médicale à mourir».
Amis lecteurs, vous me pardonnerez cette semaine de ne pas vous donner un conte, une énigme, une histoire drôle. Je viens de perdre quelqu'un qui a été important pour moi.
4 commentaires
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Et pour votre énigme de la semaine dernière, faut que je vous dise que je le voyais bien, je le comprenais que vous aviez donné la réponse, mais même à ça, j’étais incapable d’allumer et de l’expliquer...
J’étais collée au mys/tère. Mis/terre, tère, ther, thère, taire. En tout cas, ça n’allait pas bien. ;o)