Attendre
Attendre est peut-être la pire des activités. La plus frustrante, la plus démoralisante, la plus inutile aussi. Attendre, c'est précisément « perdre son temps ». C'est être soumis à une contrainte, c'est ne plus avoir de libre-arbitre, c'est devenir la chose de ce qui nous fait attendre. Ou de qui nous fait attendre.
Je n'ai pas besoin de donner d'exemples : chacun de vous, amis lecteurs, avez passé des heures de votre vie à poiroter derrière trente ou quarante autres « patients » pour une simple prise de sang, ou pour un vaccin banal. Vous vous êtes rongé les sangs dans un corridor ou une salle plus ou moins sale. Vous avez fait la queue à la banque parce que vous refusez d'être le petit pantin géré par les règlements en ligne. Vous avez eu l'oreille rougie à force d'entendre une voix sirupeuse vous répéter que « votre appel est important pour nous, veuillez rester en ligne, tous nos préposés sont présentement occupés. »
Vous avez développé des trucs : vous apportez toujours un livre, un cahier de mots croisés, ou plus récemment votre tablette ou votre téléphone dit intelligent. Parfois vous entamez une conversation avec une personne qui partage votre supplice.
Mais pendant tout ce temps, vous ne faites rien d'utile, rien de ce que vous auriez pu planifier. Vous attendez. Vous êtes un numéro de ticket, un élément de la file, un nom sur l'agenda. Vous attendez. Quand on appellera votre numéro, quand la file sera épuisée devant vous, quand on arrivera à votre nom, vous redeviendrez un humain, un être de chair et d'os avec des besoins, des désirs, des activités productives, des loisirs choisis par vous, bref... Un être qui dirige sa vie et assume ses choix.
En attendant, vous attendez. Et si vous y réfléchissez un instant, cette attente oisive, oiseuse, inutile, dégradante, déshumanisante vous coûte chaque année plusieurs jours de votre vie. Plusieurs semaines peut-être. Voire un mois ou deux si vous habitez l'une de ces villes où l'on n'entre et d'où l'on ne sort qu'après deux heures dans les bouchons de circulation!
2 commentaires
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Probablement par déformation professionnelle, et non pas pour te faire concurrence Richard, je me souviens de ce petit poème de nul autre que Victor Hugo que je soumets au public lecteur. Bonne journée!
Victor Hugo (1802-1885)
Attente
Monte, écureuil, monte au grand chêne,
Sur la branche des cieux prochaine,
Qui plie et tremble comme un jonc.
Cigogne, aux vieilles tours fidèle,
Oh ! vole et monte à tire-d'aile
De l'église à la citadelle,
Du haut clocher au grand donjon.
Vieux aigle, monte de ton aire
A la montagne centenaire
Que blanchit l'hiver éternel.
Et toi qu'en ta couche inquiète
Jamais l'aube ne vit muette,
Monte, monte, vive alouette,
Vive alouette, monte au ciel !
Et maintenant, du haut de l'arbre,
Des flèches de la tour de marbre,
Du grand mont, du ciel enflammé,
A l'horizon, parmi la brume,
Voyez-vous flotter une plume
Et courir un cheval qui fume,
Et revenir mon bien-aimé