Adieu, Marcel
Il s'appelait Marcel Caron. Il allait avoir 65 ans dans huit mois, et il attendait avec un plaisir anticipé cet anniversaire qui allait lui permettre de se reposer, enfin, après toute une vie passée au service des autres. Il avait travaillé dans des restaurants, des hôtels, des commerces divers. Il avait été brièvement propriétaire d'une micro-boulangerie. Il servait les clients du VRAC depuis quelques années. Toute une vie à servir les autres, avec toujours le sourire, la courtoisie, la discrétion des grands serveurs. Chacun de ses clients, un jour ou l'autre, s'est senti « le meilleur au monde ».
J'ai toujours trouvé qu'il était riche, parce qu'il n'avait pas de grands besoins matériels, mais de grandes valeurs humaines, la générosité, la chaleur, l'émerveillement. Il n'a jamais eu de voiture, et pourtant il a voyagé pas mal car plusieurs aimaient sa compagnie. Je ne pense pas qu'il ait jamais quitté le Québec, mais dans sa micro-boulangerie, il avait des cahiers écrits et signés (et parfois dessinés) par des Chinois, des Norvégiens, des Américains, des Français, des Canadiens de toutes les provinces, des visiteurs de tous les continents. Il n'a jamais eu de maison, et même, une fois, son appartement et tout son contenu ont été détruits par un incendie. Alors, comme tout le monde l'aimait, sans rien demander, il a reçu de gauche et de droite de quoi survivre et se réinstaller.
Il faisait du bien. On ne pouvait passer un moment dans un des établissements où il servait sans se sentir encouragé, revigoré, inspiré. Son café n'avait pas la même chaleur, ses brioches, ses sandwiches, ses biscuits contenaient plus que de la pâte, du sucre, du levain : ils vous chauffaient le cœur, comme disait Brassens.
Pour ma part, j'ai écrit au moins deux de mes livres dans les micro-boulangeries habitées par la présence de Marcel. Parfois il se glissait dans mes histoires, devenait un personnage. Comme il adorait le théâtre, il a souvent prêté son talent pour incarner les héros de la Grande Tablée, et il a été le Père Lutin de mon Reliquaire. Un film a été tourné sur lui par Nicolas Paquet, pour rappeler combien Marcel pouvait être L'Âme d'un lieu.
Marcel n'était pas un serveur ordinaire, un commis ordinaire, un homme ordinaire. À son humble manière, il était une sorte de grand homme, de grand personnage. Rivière-du-Loup ne sera plus tout à fait pareil sans lui.
Adieu, mon ami. Tu vas nous manquer.
*Illustration par Nathalie Caron pour Contes et menteries du Bas-du-Fleuve
28 commentaires
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Merci Marcel...
Marcel un homme d'exception.
Un hommage mérité!! Il va nous manquer!
Mon épouse Louise et moi en garderons un magnifique souvenir!
Bon repos Marcel!
Elles sont tellement rares ces personnes qui consacrent leur vie à rendre celle des autres plus douce, plus harmonieuse.
Bien que je ne le voyais pas souvent, je me faisais toujours un plaisir d'aller le saluer là où il m'accueillait toujours avec une joie évidente.
Merci, Richard!
De ta dorénavant vieille élève, Hélène Beaulieu.
Trop généreux, jamais Marcel n'aurait souhaité de tels compliments, voire même un tel hommage! Et pourtant, il le méritait vraiment
Ayant vécu à Notre-Dame-du-Lac dans son jeune âge, Marcel ne l'a pas toujours eu facile dans son entourage. Malgré tout, il a fait son bonhomme de chemin en conservant toujours les mêmes valeurs: Humilité, Générosité, Aimant et Appréciation de tous les beaux moments que la vie pouvait lui offrir! Un homme effacé, mais si attachant!
Au revoir Marcel!
merci mon ami
J’avais toujours hâte de le rencontrer quand j’allais au magasin.
Maintenant ce n’est plus pareil il manque sa belle présence et son âme.
Je penserai toujours à toi Marcel. Xxxx