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9 septembre 1969 : j'étais là

durée 5 septembre 2019 | 05h26

J'étais là, j'avais tous mes cheveux encore, je portais des lunettes (les lentilles cornéennes arriveront bien plus tard), j'étais fort et fringant, je revenais dans ma région après huit ans de cours classique, trois ans d'université et une première année d'enseignement sur la Côte Nord.

J'étais là, dans ces locaux qu'on appelait « Foyer-Patro », avec d'autres comme moi qui allaient essayer de mettre au monde cette bizarre de patente encore mal connue appelée C.E.G.E.P.  L'acronyme n'était pas encore devenu un nom commun.

Le 9 septembre 1969, il n'y avait pas de vraies salles de classe pour tous les groupes d'étudiants.  Alors nous allions à l'École des Métiers, entre autres lieux empruntés.  Je me souviens d'un amphithéâtre suffisant à peine à contenir tout mon monde.  Il faut dire que cette année-là j'ai eu un groupe de 72 étudiants, et un autre d'une soixantaine.  Vous imaginez la correction des travaux?

Il n'y avait pas de vraies salles de cours (du moins il n'y en avait pas assez), mais nous avions une chapelle avec un orgue, un Centre Culturel tout neuf qui était merveilleux pour les cours de théâtre, une Salle du Conseil d'administration qui servait à toutes les réunions et d'anciennes chambres du Patro servant de bureaux.  Tout le monde fumait, il y avait des cendriers dans toutes les pièces et lors des réunions, dans la Salle du Conseil d'administration, le plafond disparaissait par-dessus un demi-mètre de boucane.  Dans ce temps-là on disait un pied et demi.

La cafétéria, menée à la baguette par le chef Bouchard, était fortement concurrencée par les « roulottes à patates frites » qui venaient stationner chaque midi rue Ste-Anne ou rue Frontenac.  Au fait, il n'était pas difficile pour les professeurs de garer leur voiture :  en 1969 les étudiants marchaient à pied.

Après le 9 septembre 1969 j'ai donné trente ans de ma vie à quelques milliers de garçons et de filles qui sont aujourd'hui partout dans le monde de l'éducation, de la santé, de l'administration, des arts, des communications, du commerce, des sciences, de la finance, du sport, de la littérature, de l'industrie, de la technologie, de la politique.

Ils sont tous restés importants pour moi, ils sont un peu mes enfants.  J'ai toujours de la peine à les voir en parents, grands-parents, je ne peux croire que plusieurs soient maintenant retraités...

Ils sont ma contribution et ma fierté.

Quand je repasse devant ce cégep d'un demi-siècle, quand je repense à tous ceux qui y ont été formés, quand je vois l'immense potentiel de ce creuset de notre société, je me permets un compréhensible orgueil et je me dis :  « J'ai aidé à faire ça, moi! »

 

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