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Souvenirs, souvenirs...

durée 21 janvier 2021 | 05h33

Quand le présent est moche et que l’avenir est incertain, il nous reste les souvenirs.  C’est notre vraie richesse, celle que l’on ne peut pas perdre, celle que rien ne peut nous enlever.  À la Bourse des souvenirs, il n’y a pas de dévaluation, au contraire : souvent plus le temps passe, plus les souvenirs deviennent précieux.

Pour moi comme pour bien d’autres, Marcel Caron va rester dans le meilleur chapitre de mes bons souvenirs.  Chaque fois que nous pensons à lui, c’est un moment heureux qui remonte à notre mémoire.  

En ce triste janvier, permettez-moi de rappeler ce que j’écrivais il y a deux ans déjà.  C’était en janvier 2019 :

Adieu, Marcel

Il s'appelait Marcel Caron. Il allait avoir 65 ans dans huit mois, et il attendait avec un plaisir anticipé cet anniversaire qui allait lui permettre de se reposer, enfin, après toute une vie passée au service des autres. Il avait travaillé dans des restaurants, des hôtels, des commerces divers. Il avait été brièvement propriétaire d'une micro-boulangerie. Il servait les clients du VRAC depuis quelques années. Toute une vie à servir les autres, avec toujours le sourire, la courtoisie, la discrétion des grands serveurs. Chacun de ses clients, un jour ou l'autre, s'est senti « le meilleur au monde ».

J'ai toujours trouvé qu'il était riche, parce qu'il n'avait pas de grands besoins matériels, mais de grandes valeurs humaines, la générosité, la chaleur, l'émerveillement. Il n'a jamais eu de voiture, et pourtant il a voyagé pas mal car plusieurs aimaient sa compagnie. Je ne pense pas qu'il ait jamais quitté le Québec, mais dans sa micro-boulangerie, il avait des cahiers écrits et signés (et parfois dessinés) par des Chinois, des Norvégiens, des Américains, des Français, des Canadiens de toutes les provinces, des visiteurs de tous les continents. Il n'a jamais eu de maison, et même, une fois, son appartement et tout son contenu ont été détruits par un incendie. Alors, comme tout le monde l'aimait, sans rien demander, il a reçu de gauche et de droite de quoi survivre et se réinstaller.

Il faisait du bien. On ne pouvait passer un moment dans un des établissements où il servait sans se sentir encouragé, revigoré, inspiré. Son café n'avait pas la même chaleur, ses brioches, ses sandwiches, ses biscuits contenaient plus que de la pâte, du sucre, du levain : ils vous chauffaient le cœur, comme disait Brassens.

Pour ma part, j'ai écrit au moins deux de mes livres dans les micro-boulangeries habitées par la présence de Marcel. Parfois il se glissait dans mes histoires, devenait un personnage. Comme il adorait le théâtre, il a souvent prêté son talent pour incarner les héros de la Grande Tablée, et il a été le Père Lutin de mon Reliquaire. Un film a été tourné sur lui par Nicolas Paquet, pour rappeler combien Marcel pouvait être L'Âme d'un lieu.

Marcel n'était pas un serveur ordinaire, un commis ordinaire, un homme ordinaire. À son humble manière, il était une sorte de grand homme, de grand personnage. Rivière-du-Loup ne sera plus tout à fait pareil sans lui.

Adieu, mon ami. Tu vas nous manquer.

 

commentairesCommentaires

1

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  • MT
    M. Thériault
    temps Il y a 3 ans
    Deux ans déjà. Moi aussi j’y ai pensé à Marcel au début de janvier. Difficile de passer en avant de « Le vrac » sans avoir une pensée pour lui. C’est bien vrai qu’il nous manque…
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