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La Grenouille qui voulait voir le Père Noël

durée 1 novembre 2012 | 12h23
La semaine dernière je vous ai expliqué que, le Pôle Nord n’étant plus possible, le royaume du Père Noël avait déménagé (ou emménagé?) à Rivière-du-Loup.  L’histoire de Pattemouille que je vous raconte aujourd’hui se passe avant, dans le temps où le Pôle Nord était encore le Pôle Nord…

La Grenouille
qui voulait voir le Père Noël



Il était une fois une grenouille, une belle petite grenouille verte avec de grands yeux dorés.  Elle s’appelait Pattemouille.


Dans son étang, Pattemouille la grenouille vivait en compagnie de sa famille et de ses amis les crapauds, les hirondelles et les suisses.  Elle n’était pas malheureuse.  Oh! Il fallait qu’elle soit toujours sur ses gardes, car autour de l’étang il y avait aussi des mangeurs de grenouilles : Filéfin la couleuvre, Coco le rat musqué, Finfin le renard et aussi le vieux Bec-en-Fer, un grand héron bleu qui par chance avait la vue basse…


Pattemouille la grenouille n’était pas malheureuse, mais elle n’était pas pleinement heureuse.  Il manquait quelque chose à son bonheur.


C’est que les grenouilles, vous le savez, passent l’hiver endormies, comme les ours ou les marmottes.  Or Pattemouille aurait voulu voir le Père Noël.


C’est qu’un jour, des enfants étaient venus jouer près de l’étang, et ils avaient parlé entre eux du Père Noël, de son royaume, là-haut, au Pôle Nord.  Ils avaient l’air émerveillé, en parlant de ça.


Le Père Noël…  Un royaume…  Le Pôle Nord…  Pattemouille ne connaissait rien de tout ça.  Mais comme c’était une grenouille fort curieuse, elle se mit à poser des questions à tous ses amis.  Mollo le crapaud n’avait jamais entendu parler de ces choses, Croco le suisse non plus (et d’ailleurs il était difficile de tenir une conversation avec Croco : il bougeait tout le temps, et il avait toujours les bajoues pleines de graines, ce qui nuisait beaucoup à son élocution).  Quant aux hirondelles, elles se moquèrent de Pattemouille :


—Le Pôle Nord?  Es-tu folle, ma pauvre Pattemouille?  Nous autres c’est le Sud qui nous intéresse, et d’ailleurs nous devons partir bientôt.
Pattemouille était un peu découragée.


Elle aurait bien aimé parler du Père Noël et du Pôle Nord avec le vieux Bec-en-fer : un héron, ça vole tellement haut et tellement loin…  Mais elle avait bien trop peur qu’il en profite pour l’attraper avec son long bec!


Et puis un jour, un chevreuil est venu boire à l’étang.  Les chevreuils ne mangent pas les grenouilles, c’est bien connu.  Pattemouille s’est dépêchée de sauter sur un nénuphar pour lui poser ses questions.


—Le Père Noël? a grommelé le chevreuil en ruminant une touffe de trèfles…  Oui, oui, je connais un peu.  J’ai un lointain cousin qui travaille pour lui.  C’est un emploi saisonnier : il monte au Pôle pour la fin de décembre, mais en ce moment il doit être dans sa forêt de la Côte Nord.


Pattemouille était tout excitée.  Pour la première fois, elle rencontrait quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui connaissait le Père Noël…


—Est-ce que je pourrais rencontrer ton lointain cousin?  demanda-t-elle au chevreuil.


—Je ne vois pas trop comment tu pourrais, répondit le chevreuil.  Moi-même je ne l’ai jamais rencontré.  Nous avons un pigeon qui me donne parfois de ses nouvelles.  C’est un pigeon qui est très lié à notre famille…  Mais ça c’est une autre histoire.


—Et le pigeon, est-ce que je pourrais le rencontrer?


Le chevreuil rumina encore un peu sa touffe de trèfle, puis lapa une bonne gorgée d’eau.


—C’est facile : saute sur mon dos, je vais te conduire à lui.


Alors Pattemouille sauta sur le dos du chevreuil et celui-ci s’enfonça sous les arbres.  Bientôt ils arrivèrent près d’un rocher, sur lequel un gros pigeon gris se reposait au soleil.


—Salut, Blériot, dit le chevreuil.  J’ai ici une grenouille qui voudrait rencontrer Rodolphe, tu sais, mon lointain cousin qui travaille pour le Père Noël…


—Hum!  Ç’est loin, la forêt de Rodolphe…  Je me demande si une petite grenouille comme toi pourrait faire un si long voyage…  Enfin!  On peut toujours essayer : justement, j’avais besoin de me dégourdir les ailes.  Monte sur mon dos et tiens-toi solidement!
Pattemouille, toute joyeuse, sauta sur le dos de Blériot et aussitôt le pigeon prit son envol.  Il monta très haut, pointa son bec vers le Nord et partit comme une flèche.  En quelques heures, ils traversèrent le fleuve, survolèrent des champs, des mines, des villes, des villages, et des forêts.  Surtout des forêts.  Au coucher du soleil, ils arrivèrent dans un immense bois de sapins et d’épinettes.  Là, Blériot descendit doucement et alla se poser sur une branche tout près du museau poilu d’un grand caribou qui mâchouillait pensivement une écorce.


—Salut Rodolphe, dit Blériot qui n’était même pas essoufflé.  Je t’amène une petite grenouille de la part de ton lointain cousin le chevreuil.  Il paraît qu’elle veut rencontrer le Père Noël…


—Bonjour, monsieur Rodolphe, dit Pattemouille timidement.  Est-ce que vous voulez bien m’amener au Pôle Nord?


—Hum!  Hum!  Le Pôle Nord…  C’est très loin, ma pauvre petite, et surtout c’est très froid.  Tu seras gelée bien avant d’arriver au royaume du Père Noël.


—Oh!  Je ne savais pas que c’était froid, le Pôle Nord, pleurnicha Pattemouille qui était très déçue.  Comme ça je ne pourrai jamais voir le Père Noël?

Blériot prit alors la parole :
—Peut-être qu’on pourrait demander à madame Aragne de lui tisser un manteau?  Comme ça elle pourrait traverser le froid…


—On peut toujours demander, grommela Rodolphe.  Va la chercher.


Le pigeon s’envola aussitôt.  Pattemouille profita de son absence pour plonger dans un ruisseau qui coulait tout près et elle fit un brin de toilette, car le voyage avait été long et elle se sentait pas mal poussiéreuse.  Pendant ce temps, Rodolphe lui demandait des nouvelles de son lointain cousin le chevreuil.


Blériot revint au bout de quelques minutes; sur son dos il y avait une très grosse et très vieille araignée.  Aussitôt arrivé, le pigeon fit les présentations :


—Madame Aragne, voici Pattemouille, une grenouille de l’autre côté du fleuve qui veut absolument voir le Père Noël.  Et voici madame Aragne, la meilleure couturière du monde!


—Viens un peu ici, ma petite, ordonna l’araignée d’une voix étonnamment forte.  Ne bouge pas, que je prenne tes mesures!


La grosse araignée se promena un moment tout autour de Pattemouille puis elle se tourna vers Rodolphe :
—Le mieux serait que je lui tisse un nid entre tes bois, dit-elle.  Comme ça, elle sera au chaud et elle ne risquera pas de tomber pendant le voyage.


Aussitôt dit, aussitôt fait.  Elle saute sur la tête du renne (car le caribou, c’est juste un autre nom pour désigner un renne, comme vous le savez sans doute) et se met à tisser une toile entre les bois moussus de Rodolphe.  Elle travaille sans arrêt pendant toute la soirée, pendant toute la nuit.  Blériot dort, la tête sous son aile; Rodolphe dort debout, appuyé au tronc d’un gros sapin.  Même Pattemouille finit par s’endormir dans une courbe du ruisseau.


Au matin, il y avait une grosse boule de toiles d’araignée entre les bois de Rodolphe.  Et dans cette grosse boule il y avait juste un petit trou, par lequel Pattemouille put entrer.  C’était tout doux là-dedans, tout chaud, très confortable.  Madame Aragne ajouta encore quelques fils pour boucher le trou, mais c’était des fils si fins, si transparents, que cela fit comme une vitre; ainsi Pattemouille aurait une petite fenêtre pour regarder dehors pendant son voyage.


Pattemouille la grenouille remercia très poliment l’araignée et le pigeon, puis madame Aragne sauta sur le dos de Blériot et se fit raccompagner chez elle.  Alors Rodolphe partit au petit trot vers le Pôle Nord.


Le voyage dura longtemps, car c’est loin, le Pôle Nord!  Heureusement madame Aragne avait eu la générosité de laisser quelques mouches bien grasses dans le nid qu’elle avait tissé, et ainsi Pattemouille put se nourrir.  Quant à Rodolphe, il arrachait une touffe d’herbe ou de lichen ici et là, sans cesser d’avancer de son trot régulier.


Ainsi, enfin, ils arrivèrent au Pôle Nord.  Vous pouvez imaginer la surprise du Père Noël quand il vit devant lui une petite grenouille!  Il se dépêcha d’appeler la Fée des Étoiles pour lui présenter Pattemouille, puis il la prit dans sa grosse mitaine rouge et l’emmena dans les ateliers pour la montrer à ses lutins, qui n’avaient jamais vu de grenouille.


Pattemouille était émerveillée de tout ce qu’elle voyait, vous pensez bien!  Alors elle demanda au Père Noël si elle pourrait rester toujours avec lui au pôle Nord.  Et le Père Noël a accepté, mais à une condition : c’est que Pattemouille devienne modèle dans son atelier de peluches.
Et c’est depuis ce temps-là que le soir du 24 décembre, certains enfants, quand ils ont été sages, trouvent des grenouilles en peluche dans leur bas de Noël ou sous le sapin…


Tiré de :   Contes et menteries du Bas-du-Fleuve

commentairesCommentaires

1

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  • R
    Richard
    temps Il y a 12 ans
    Je me souviens avoir écrit ce petit conte à la Microboulangerie, dans le temps... Je me souviens qu'il y venait souvent des enfants avec leurs parents, et que "j'essayais" mes histoires en les racontant aux enfants, parfois. C'était le bon temps!

    Au fait, saviez-vous que Marcel Caron travaille maintenant aux Terroirs d'ici et d'ailleurs, coin Lafontaine et Frontenac? Quand je vais y prendre mon café en matinée, la présence de Marcel me donne l'impression de me retrouver douze ou quinze ans en arrière, au temps de la Microboulangerie. Dans le bon temps!