La légende du lac Témiscouata
2 mai 2013 |
07h43
Personne ne sait ce qu’il y a dans les profondeurs du lac Témiscouata. Ni les riverains, ni les pêcheurs, ni les plaisanciers, ni même les plongeurs ne peuvent savoir. C’est trop profond, c’est trop sombre, c’est trop mystérieux.
Moi je sais, parce que je suis un peu sorcier et que je lis les anciens contes gravés dans la pierre, enfouis sous les repousses des forêts, dessinés dans le lit des ruisseaux.
Au fond du lac Témiscouata, sous les eaux troublantes et les troncs engloutis, dans la vase millénaire, il y a le purgatoire des vieux Témiscouatains. Ceux qui sont morts depuis toujours : les fiers Indiens, les courageux pionniers, les conquérants altiers, les femmes infatigables, les enfants turbulents. Les hommes des bois et de la terre, les prêtres et les soldats, les filles en fleur et les aïeules ridées, les femmes de cœur et de tête, les gens d’hier, d’avant-hier et de la nuit des temps…
De ceux qui sont morts au Témiscouata, quelques-uns sont passés sans transition de leurs paysages terrestres à l’infini du paradis. Quelques autres sont allés sans attendre à la triste éternité des enfers.
Mais la plupart n’étaient ni des anges ni des démons, parce qu’ils étaient simplement humains. Ceux-là ne méritent pas la damnation, mais ne sont pas sans fautes.
Ceux qui sont morts au Témiscouata, pour la plupart, ont besoin d’un temps pour atteindre toute leur beauté, comme les papillons ont besoin d’être chenilles, comme la fleur a besoin d’un sombre séjour sous la terre avant de lancer dans la lumière du grand soleil ses parfums et ses couleurs.
Alors les âmes de tous ces morts baignent aux profondeurs du lac Témiscouata, sous les eaux troublantes et les troncs engloutis, dans la vase millénaire qui les nettoie sans les étouffer, qui les adoucit peu à peu, qui leur enlève les dernières cicatrices de leurs méchancetés humaines.
Puis, quand leur temps est fait, les vieux Témiscouatains sortent du lac pour s’élancer dans l’infini. Quand, le jour, vous voyez tout à coup un éclat de lumière qui danse un moment sur une vague avant de s’envoler comme dans un souffle, vous voyez un Témiscouatain du passé, votre ancêtre peut-être, qui accède à la plénitude du bonheur. La nuit, quand vous vous demandez si c’est un reflet d’étoile ou bien un feu-follet qui s’allume dans la houle, sachez que c’est une âme libérée qui monte au ciel.
Saluez-les, ces bienheureux et bienheureuses qui ont été, avant vous, des Témiscouatains bien ordinaires. Et surtout ne troublez pas les eaux du lac : plus cette eau est claire, plus elle est pure, plus vite les âmes du purgatoire seront libérées de leurs souillures.
Ne troublez pas les eaux du lac. Vous aussi, un jour, vous aurez besoin d’elles…
Moi je sais, parce que je suis un peu sorcier et que je lis les anciens contes gravés dans la pierre, enfouis sous les repousses des forêts, dessinés dans le lit des ruisseaux.
Au fond du lac Témiscouata, sous les eaux troublantes et les troncs engloutis, dans la vase millénaire, il y a le purgatoire des vieux Témiscouatains. Ceux qui sont morts depuis toujours : les fiers Indiens, les courageux pionniers, les conquérants altiers, les femmes infatigables, les enfants turbulents. Les hommes des bois et de la terre, les prêtres et les soldats, les filles en fleur et les aïeules ridées, les femmes de cœur et de tête, les gens d’hier, d’avant-hier et de la nuit des temps…
De ceux qui sont morts au Témiscouata, quelques-uns sont passés sans transition de leurs paysages terrestres à l’infini du paradis. Quelques autres sont allés sans attendre à la triste éternité des enfers.
Mais la plupart n’étaient ni des anges ni des démons, parce qu’ils étaient simplement humains. Ceux-là ne méritent pas la damnation, mais ne sont pas sans fautes.
Ceux qui sont morts au Témiscouata, pour la plupart, ont besoin d’un temps pour atteindre toute leur beauté, comme les papillons ont besoin d’être chenilles, comme la fleur a besoin d’un sombre séjour sous la terre avant de lancer dans la lumière du grand soleil ses parfums et ses couleurs.
Alors les âmes de tous ces morts baignent aux profondeurs du lac Témiscouata, sous les eaux troublantes et les troncs engloutis, dans la vase millénaire qui les nettoie sans les étouffer, qui les adoucit peu à peu, qui leur enlève les dernières cicatrices de leurs méchancetés humaines.
Puis, quand leur temps est fait, les vieux Témiscouatains sortent du lac pour s’élancer dans l’infini. Quand, le jour, vous voyez tout à coup un éclat de lumière qui danse un moment sur une vague avant de s’envoler comme dans un souffle, vous voyez un Témiscouatain du passé, votre ancêtre peut-être, qui accède à la plénitude du bonheur. La nuit, quand vous vous demandez si c’est un reflet d’étoile ou bien un feu-follet qui s’allume dans la houle, sachez que c’est une âme libérée qui monte au ciel.
Saluez-les, ces bienheureux et bienheureuses qui ont été, avant vous, des Témiscouatains bien ordinaires. Et surtout ne troublez pas les eaux du lac : plus cette eau est claire, plus elle est pure, plus vite les âmes du purgatoire seront libérées de leurs souillures.
Ne troublez pas les eaux du lac. Vous aussi, un jour, vous aurez besoin d’elles…
Commentaires
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12 commentaires
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Plus sérieusement, est-ce que vous l'aviez déjà dans vos cartons, votre histoire ou si vous l'avez imaginée dernièrement? J'aime vraiment vous lire, ce sont de beaux moments que vous nous offrez. Bonne fin de semaine.
Je pense que c’est la toute première fois que je réagis de même à l’un de vos écrits. Je trouve ça bien spécial cette fois...
Pour répondre à ta question, j'avais cette histoire "dans mes cartons" depuis quelques années.
@M. Thériault: Est-ce qu'elle est vraiment triste, mon histoire? Je la voyais plutôt comme une "échappée vers la lumière"... Mais bien sûr, je ne suis pas maître des émotions qu'elle peut engendrer sur les lecteurs(trices). Un conte, une nouvelle, une légende, un roman, même un poème... Quand on l'a fini, quand on pose la plume ou qu'on ferme le clavier, c'est comme un oiseau qui s'envole, un enfant qui s'émancipe: c'est un être à part qui vit sa propre vie. C'est à la fois merveilleux et terriblement inquiétant...
D'ailleurs, ça me rappelle cette phrase qui dit en gros que "les fées, au moins on y croit, au moins il y en aura".
C'est vrai que M. Drouin a beaucoup de talent, autant en écrit qu'en photo (pour M. Ouellet, je ne le connais pas alors je ne peux pas savoir mais si vous dites que lui aussi en a beaucoup, je vous crois). Vos histoires nous font vivre de belles émotions. Moi, vos contes de Noël m'ont fait redevenir une enfant (et j'espère que le lutin a bel et bien fouetté les fesses de Fouettard à Noël dernier pour qu'il m'oublie pendant une couple d'années) et celui-ci a sans contredit produit un certain effet à Mme Thériault...
Comme j'ai déjà dit à M. Drouin, je me considère choyée d'être, un jour, tombée par hasard sur le site de infodimanche.com... J'y fais de belles "rencontres".
Bonne semaine et j'espère que vous ne serez pas trop dur avec nous avec vos prochaines énigmes. Je me remets à peine de celles de la semaine dernière...
Vous avez ressuscité mes aïeuls, mon père, ma mère et plusieurs autres des miens.
Ces âmes devenues volantes planent très haut dans notre beau ciel, parties de ce nouveau cimetière qui domine notre beau lac Témiscouata et peut être de l'ancien aussi qui se trouvait jadis à côté de l'église actuelle au lieu dit "Le Rocher", propriété dans le passé de ma famille et dont les membres naviguent aujourd'hui dans les nuages.
Sera-t-il mon lieu de départ d'une nouvelle vie? Je n'en doute aucunement.
Je compte sur votre sagacité habituelle!