Les conseils des pharmaciens évitent des visites à l’urgence
Les conseils prodigués par les pharmaciens communautaires permettent de désengorger le système de santé et d’éviter des couts potentiels de 707$ par pharmacie, par jour ouvrable. Dans 38% des cas, la consultation d’un pharmacien a évité aux patients de se présenter dans une clinique sans rendez-vous ou à l’urgence.
Ces résultats ont été dévoilés le 12 septembre dans le cadre d’une étude indépendante menée par Stéphanie Boulenger du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), Aude Motulsky du Centre de recherche du CHUM et Guy Paré de la Chaire de recherche en santé connectée du HEC Montréal.
RÉACTIONS RÉGIONALES
L’Association québécoise des pharmaciens propriétaires estime que les conseils prodigués par les pharmaciens représentent, au Québec, une valeur de près de 500 M$ pour le système de santé, en tenant en compte les 1 900 pharmacies du Québec, avec une moyenne conservatrice de 13 consultations par jour. Ces données ne surprennent pas Didier Rioux, pharmacien et copropriétaire d’Uniprix à Saint-Antonin, Sophie Laplante et Benoit St-Amand, pharmaciens et copropriétaires des bannières Familiprix de Rivière-du-Loup et Trois-Pistoles, de même que Jean-François Desgagné, pharmacien et copropriétaire de la pharmacie Brunet de Trois-Pistoles.
Ils sont unanimes, cette étude ne fait que confirmer ce qu’ils expérimentaient déjà depuis quelques années sur le terrain. «C’est intéressant, puisque c’est la première étude indépendante d’envergure sur le sujet qui permet de quantifier notre travail (…) Nos heures d’ouverture très étendues permettent un accès aux soins plus facile. C’est certain qu’on devient le professionnel de la santé à agir en première ligne», explique M. Rioux.
PHARMACIENS, DES CONSEILLERS CLINICIENS
Selon lui, les délais d’attente à l’urgence, les médecins qui partent à la retraite et les patients orphelins démontrent la réelle valeur ajoutée de l’implication des pharmaciens dans leur communauté.
«On donne des conseils pour des problèmes mineurs, comme un rhume, une grippe, un feu sauvage. Le flot de clients est assez important dans ces cas. On assure aussi un service clinique et un suivi. Cela fait des années que nous sommes un service de première ligne, les gens ont donc un réflexe de nous appeler très rapidement (…) On ne prend jamais le rôle d’un médecin, mais on peut amener les patients vers une consultations auprès d’autres professionnels de la santé», conclut Didier Rioux.
Près du trois quart (74 %) des patients ont consulté un pharmacien pour un problème de santé, et 18 % pour un conseil en lien avec un médicament ou une ordonnance. Le motif de consultation le plus courant est la douleur. De plus, la majorité des patients (77 %) n’avait pas tenté de consulter une autre ressource du système de santé avant de recourir au pharmacien.
D’après Sophie Laplante et Benoit St-Amand, pharmaciens propriétaires de bannières Familiprix, ils ont toujours été amenés à prodiguer de nombreux conseils aux patients qui se présentent en pharmacie avec des problèmes de santé divers. «Je pense que le lien de confiance de la population avec les pharmaciens a toujours été fort et continue de l’être au Québec. Nous sommes les professionnels en santé les plus accessibles, la réponse est presque instantanée. Les gens se sentent pris en charge et on leur offre des options, on peut aussi amorcer des démarches avec le médecin, c’est certain que ça réduit leur anxiété», explique Mme Laplante.
En effet, 89 % des patients ont indiqué que la consultation auprès du pharmacien a permis de diminuer leur niveau d’anxiété et pour plus du quart (26 %), d’éviter de s’absenter du travail ou de l’école. «Cette étude prouve que les pharmaciens sont une réelle valeur ajoutée pour le système de santé au Québec», complète M. Saint-Amand.
D’ailleurs, les participants à cette étude ont indiqué que la consultation en personne auprès du pharmacien leur avait permis d’éviter ensuite : un appel à la ligne Info-Santé (49 %), de prendre un rendez-vous avec leur médecin de famille (44 %), de se rendre à une clinique sans rendez-vous (41 %), de consulter un autre type de professionnel de la santé (30 %) ou encore de se rendre à l’urgence d’un hôpital (17 %).
«Je souligne mes 25 ans de carrière cette année et à tous les jours je sais que j’ai un impact sur la vie des gens en les aidant en première ligne. Nous avons un important rôle d’orienteur vers d’autres professionnels de la santé ou vers l’urgence (…) Le résultat de cette étude est puissant et je crois qu’il pourra résonner au-delà du Québec», estime le pharmacien Jean-François Desgagné de la pharmacie Brunet de Trois-Pistoles. Ce dernier siège également sur le conseil de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires.
LOI 41
Par ailleurs, les quatre pharmaciens de la région consultés par Info Dimanche sont d’avis que la loi 41 leur donnant plus de latitude est encore malheureusement sous-utilisée. L’étude a démontré qu’elle avait été soulevée seulement lors de 3,5 % des consultations. On y a recours notamment pour le prolongement d’ordonnances et les prescriptions en cas de problèmes de santé mineurs, tels que des infections urinaires, des vaginites, la prévention de la diarrhée du voyageur, obtenir la pilule du lendemain et l’arrêt tabagique.
«Elle pourrait être plus utilisée si elle était plus connue. Avec cette loi et cette étude, j’ai l’impression qu’on a mis le pied dans la porte pour l’ouvrir un peu plus grande», ajoute M. Benoit St-Amand.
L’enquête a été réalisée auprès d’un échantillon de 913 adultes québécois dans 11 régions du Québec. Dix-neuf pharmacies comptant 95 pharmaciens ont participé à l’étude. Les données ont été recueillies sur un total de 7996 consultations.
Détails de l'étude : Boulenger, S., Motulsky, A. & Paré, G. (2018). Fréquence, nature et effets des conseils prodigués par les pharmaciens communautaires au Québec. Rapport de recherche #18-01, Chaire de recherche en santé connectée, HEC Montréal, 68 pages.
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