Le cri du cœur d’Olivette Caron
La COVID-19 a bousculé nos habitudes, elle a bousculé nos vies. Le télétravail et les rencontres sur les plateformes Zoom, FaceTime ou Messenger, l’école via Team représentent le quotidien de plusieurs. Mais pour certains, comme Olivette Caron, 88 ans, notre nouveau mode axé sur le virtuel ne trouve pas d’écho sur la chaleur humaine. Un placébo qui échoue… lamentablement.
L’octogénaire qui habite Rivière-du-Loup pose un regard douloureux sur la pandémie liée au nouveau coronavirus. Un regard sur l’isolement où l’absence de ses proches, ses enfants surtout, est devenue un véritable mal de vivre. L’isolement des ainés n’est pas sans conséquence.
«J'ai l'impression qu'on me vole le reste de ma vie ! Je suis une vieille maman de quatre beaux enfants que je ne peux plus recevoir, embrasser et serrer dans mes bras. Ils s'occupent beaucoup de moi, car je vis seule, ils ont peur pour moi. Nous ne vivons pas dans la même ville, mais ils viennent me visiter toutes les semaines. Ils entrent dans la maison comme des étrangers, nous ne partageons rien, distanciation [oblige]», nous a écrit la dame la semaine dernière.
Mme Caron, que nous avons joint au téléphone nous a raconté la dernière visite de son fils Richard. «Il a respecté toutes les règles de distanciation, mais avant de partir, il s’est approché pour m’embrasser et je l’ai repoussé, c’est interdit. Il a ouvert la porte et il m’a regardé. Les larmes coulaient. Alors je suis allé vers lui, je l’ai serré fort fort et je l’ai embrassé. Il a fait de même. Richard a dit «si on s’est donné la COVID, on va mourir… Mais heureux !»»
La voix s’est tue quelques secondes. Un silence lourd de sens, comme l’écho de cette étreinte entre une mère et son fils. «J’aimais la vie, mais je ne l’aime plus, il n’y a plus rien à aimer si je ne peux plus aimer mes enfants, si je ne peux plus voir mes amies», lance Olivette Caron. Son cri du cœur est déchirant. Quand elle parle de ses quatre enfants, sa voix tantôt claire et forte se brise. Cette «distanciation» agit sur elle comme une véritable blessure.
«Ça me fait mal. Chaque fois, quand ils m’envoient la main après une visite, je pleure. C’est trop difficile. Des fois, je me dis que j’aimerais mieux ne pas les voir. Si on triche et qu’on s’enlace, j’ai peur. Si on garde nos distances, ça me fait mal. Alors on se salue de la main et ils partent comme ça…» Cette absence de chaleur humaine, ce contact essentiel avec les siens qui n’est plus, c’est la morsure du nordet une froide journée d’hiver.
Olivette Caron déplore le manque d’alternative pour les personnes âgées autonomes. C’est l’isolement à la maison ou une résidence pour ainés. «On l’a tous bien vu au printemps, en CHSLD les ressources manquent. On a tous vu et entendu les histoires d’horreur. On est plus des humains, on devient des numéros de chambre, on devient des meubles qu’on ne sait pas où placer.»
Si la mise sur pause des activités sportives, évènementielles et culturelles comme les limitations imposées aux restaurateurs et tenanciers ont fait couler beaucoup d’encre, on a passé sous silence l’interruption des activités des groupes sociaux pour ainés, comme les soirées dansantes, les sorties de quilles et les bingos. Les églises n’accueillent plus qu’un nombre réduit de fidèles. Il y a là aussi des conséquences.
«On ne peut plus rien faire, alors je n’ai rien à dire quand on m’appelle au téléphone. Il n’y a que les règles maintenant. On a le droit à rien. Pendant ce temps-là, je perds mes forces, je ne bouge plus, mes jambes deviennent faibles, j’attends…», soupire Mme Caron. Comme si les nouvelles mesures sanitaires primaient sur la qualité de vie des gens qu’elles sont justement censées protéger.
Quand Olivette Caron a écrit à Info Dimanche, c’est de cette insoutenable distance avec les siens qu’elle souhaitait mettre en lumière. Parce qu’elle ne compte plus les jours passer à attendre d’enlacer sa fille, ses trois fils, ses deux petits-enfants et ses deux arrière-petits-enfants. Comme société, il faut aussi prendre le temps d'écouter et d’entendre ceux pour qui le remède est pire que le mal.
6 commentaires
J’ai pleurée tout le temps que j’ai lu votre lettre c’est invivable cette situation et en même temps ont dois continuer à être prudent si l’on veux passer à travers
Courage ma chère dame