Le soccer comme outil d'inclusion
L’impact positif de «la ligue du dimanche»
Le soccer est un sport rassembleur, un vecteur de rencontres aux quatre coins de la planète. Pour s’en convaincre, inutile d’aller bien loin. Il suffit de se rendre près du terrain synthétique du Cégep de Rivière-du-Loup, les dimanches soirs, où une quarantaine d’adeptes se réunissent autour d’un ballon rond. Parmi eux, de nouveaux arrivants qui découvrent la culture, tissent des liens d’amitié et apprennent à s’intégrer au sein de leur terre d’accueil.
C’est un vrai soir d’automne qui encadre la visite d’Info Dimanche, le 5 octobre. Les nombreuses feuilles au sol trahissent l’arrivée de la nouvelle saison, tout comme le mercure qui flirte avec les 10 degrés Celsius. La brise de vent est présente, le temps est frisquet.
Pourtant les sourires sont nombreux et les poignées de main sont chaleureuses, vers 19 h, quelques minutes avant le début des deux matchs à l’horaire. Il y règne un esprit de fraternité et de convivialité évident, une forme de légèreté aussi.
«C’est un petit groupe hyper sympathique, il y a une belle ambiance», confirme Maxime Varenne, le coordonnateur de la Ligue de soccer mixte et amicale du dimanche de Rivière-du-Loup.
Devant lui, près de 50 joueurs réguliers et quelques remplaçants se préparent pour les matchs à venir. Ils se sont déplacés, comme ils le font chaque semaine, pour participer à des affrontements amicaux où le plaisir de jouer dicte tout. Une ligue dite «inclusive» dont la mission avouée est de favoriser l’intégration et l’inclusion des travailleurs étrangers et des nouveaux arrivants.
Sur le terrain, les participants réunissent d’ailleurs des cultures du monde entier. Ils sont originaires de la Colombie, du Guatemala, de l’Île Maurice, de la Tunisie, de l’Algérie, de l’Île de Madagascar, de la France, du Canada… Tous ont cependant un point en commun : ils aiment le «foot», comme diront plusieurs d’entre eux.
«Le sport fait partie de plusieurs cultures. C’est international et très populaire, souligne Maxime Varenne. Il y a beaucoup joueurs ici qui ne parlent pas français encore, mais on se comprend tous très bien sur le terrain. C’est un langage simple, universel. Tu prends un ballon et tu joues.»
La ligue se veut amicale et récréative, ouverte à tous. «On mise beaucoup sur cette expérience-là. Il n’y pas d’équipes fixes, ni de championnat. On ne compte pas officiellement les points et c’est autogéré. Bref, l’objectif est vraiment de s’amuser», explique-t-il.
Français d’origine, Maxime Varenne raconte avoir repris les rênes de cette ligue il y a quelques années, après que les fondateurs soient passés à d’autres projets. Il l’a fait, «égoïstement» blague-t-il, pour garder la chance de jouer au soccer chaque dimanche durant l’automne, l’hiver et le printemps, mais aussi pour maintenir en vie cette opportunité de rencontre unique. Ayant lui-même bénéficié de la ligue à son arrivée, il comprend son importance pour un travailleur étranger qui dépose ses pénates à Rivière-du-Loup pour la première fois.
Ces dernières années, il a été aux premières loges de l’évolution rapide de la ligue. Depuis 2019-2020, de plus en plus de joueurs issus des communautés immigrantes professionnelles de la région se sont joints. La demande s’est accrue et les places sont devenues limitées, preuve de l’engouement et des besoins grandissants du milieu.
«Les nouveaux arrivants sont plus nombreux à intégrer les grandes entreprises de la région. Il y a un essor qui est observé et on a vu un réel besoin pour ces joueurs d'avoir des activités sociales qui leur permettent de sortir de leur communauté de travail, de sortir un peu en ville, de parler français, etc.», témoigne le coordonnateur.
C’est aussi pourquoi il souhaite que l’inscription demeure accessible, malgré les couts importants liés à la location des terrains et du stade Premier Tech en hiver. Après tout, le soccer est pratiqué à prix modique ou nul partout dans le monde.
«C’est important que ces outils-là existent, qu’ils puissent rencontrer de nouvelles personnes et se faire des amis, même si c’est juste le dimanche», juge Maxime Varenne, reconnaissant de la participation de plusieurs partenaires, dont des commerçants locaux et la MRC de Rivière-du-Loup.
«MISSION ACCOMPLIE»
Pour le moment, «la ligue du dimanche» semble accomplir la mission qu’elle s’est donnée…et plus encore. Rencontré avant le coup d’envoi des premiers matchs, Govinda «Ti-lou» Pandoo était tout sourire, le 5 octobre. Membre de la ligue depuis son arrivée à Rivière-du-Loup, il y a plus d’un an et demi, il est reconnaissant d’avoir la chance de pratiquer son sport favori chaque semaine.
«Chez nous, à l’Île Maurice, on a l’habitude de jouer entre amis, partage-t-il. C’est donc vraiment un plus d’avoir ça ici. On fait des rencontres, on se détend et on s’amuse.»
L’homme de 28 ans, un travailleur d’une entreprise manufacturière locale, ne cache pas que la soirée a un impact dans sa semaine. Cet hiver, ce sera aussi un point de repère. «Ça fait du bien et ça change [de la routine]. Ça nous permet de sortir de notre bulle et de voir de nouvelles personnes.»
«On est entre amis ici, dans la bonne entente. C’est aussi ce qui m’attire. Il n’y a pas de grosse compétition. Personne n’est fâché si tu rates le ballon…»
Un sentiment partagé par Maxime Micolaud, un Français arrivé il y a environ 18 mois. Grand amateur de soccer, membre de plusieurs ligues à Rivière-du-Loup, il convient que celle du dimanche est un cas unique. «Tu n’es pas ‘obligé’ de parler à personne, mais finalement tu parles avec tout le monde, confie-t-il en riant. On est tous là pour le plaisir. Il y a du respect, tant sur le terrain qu’à l’extérieur. C’est d’autant plus plaisant.»
Trilingue, il soutient avoir aussi la chance de parler avec plusieurs nouveaux arrivants pour qui la ligue est significative. Le soccer lui a lui-même facilité son intégration à son arrivée. «Ils ont souvent des emplois difficiles, parfois ils travaillent de longues heures, mais ils savent qu’il y a du soccer le dimanche. Ils sont heureux d’avoir ce moment-là. Ça fait une très grosse différence sur la santé mentale.»
Maxime Varenne voit aussi tout le positif de l’initiative. «On croise maintenant davantage de joueurs dans la rue et lors d’événements, a-t-il dit. Récemment, j’ai vu des gars qui ne parlaient pas français avoir des conversations et sortir ensemble sur la rue Lafontaine, ça m’a fait plaisir.»
Pour certains, la ligue de soccer du dimanche est une échappatoire, un moment de répit à travers un quotidien qui roule à vive allure. Pour d’autres, c’est le début d’une nouvelle aventure, une ouverture sur le monde et leur nouvelle communauté.
Chose certaine, le dimanche, personne n’est exclu. Comme sur le terrain.
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