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Pour une vraie priorité aux piétons

durée 2 mars 2025 | 16h08
François Drouin
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
François Drouin

Cette semaine, Le Devoir a publié un dossier d’enquête sur la sécurité des piétons aux Québec. Non seulement on y dénonce un parti pris contre les victimes, mais on y présente également l’inspirant modèle suédois. Le problème des collisions automobiliste-piéton nous concerne tous, car nous le sommes tous à un moment ou à un autre de notre vie. Nous avons l’obligation de protéger les plus vulnérables, comme les personnes âgées et les enfants.

Toujours la faute aux piétons ?

Le Devoir a analysé 215 dossiers de coroners entre 2019 et 2024 pour recenser les causes probables des impacts. Une seconde d'inattention ou une infraction au Code de la route a été relevé dans 42 % des dossiers. On parle généralement ici de petits accros à la sécurité, comme omettre de s’arrêter à un passage piétonnier, se dépêcher à faire un arrêt, se laisser distraire, etc. Le genre de chose que tout le monde peut faire au volant.

Bien sûr, d’autres facteurs sont également nommés. Il y a eu des marcheurs qui ont traversé entre deux voitures ou à un feu rouge. De plus, 20 % des cas ont été jugés comme de purs accidents (mauvaises conditions climatiques ou éblouissement).

Il faut comprendre que les coroners ne peuvent accuser de quelque façon que ce soit le conducteur (ex. : écrire qu’il n’a pas fait son arrêt et frappé le piéton). Ce n’est pas leur rôle et ils n’en ont pas le pouvoir. Toutefois, il est déconcertant de constater que les victimes n’ont pas droit à la même présomption d’innocence. Les rapports peuvent blâmer l’inattention du marcheur, leurs vêtements foncés ou leurs écouteurs, indépendamment du fait que ces éléments soient réellement en cause ou non.

Pas de conséquences ?

Un manquement au Code de la route est passible d’une amende allant jusqu’à une centaine de dollars. Or, même dans les cas de collisions mortelles, ces amendes ne sont pas systématiquement données (32 des 89 dossiers où un comportement de l’automobiliste était identifié comme un facteur). Du côté judiciaire, 8 des 89 cas étudiés ont donné lieu à un procès.

La journaliste rapporte que certains proches de victime, activistes et chercheurs ont l’impression que seuls les grands excès de vitesse et les délits de fuite sont réellement condamnés. Le but de leur intervention n’est pas de criminaliser tout geste qui entraîne un accident, mais de rappeler que conduire n’est pas un geste banal et qu’il ne faut pas le prendre à la légère.

Pourrait-on faire mieux ?

Le Devoir présente l’exemple de la Suède, dont le directeur de l’agence gouvernementale de gestion des transports a implanté les principes de la Vision Zéro dès 1995. L’objectif est de modifier le réseau routier et les comportements de manière à éliminer les décès et blessures graves, particulièrement à proximité des écoles.

Leur taux de mortalité sur les routes est désormais le plus bas en Europe, soit une moyenne de 16 décès entre 2010 et 2019 (pic de 22 en 2023). La moyenne du Québec se situe à 66 entre 2018 et 2022 (pic de 82 en 2022).

Ottawa vise la Vision Zéro pour 2040, mais il reste du travail à faire. Le Québec a déjà connu sa part de succès avec des campagnes pour le port de la ceinture et contre l’alcool au volant. Il est désormais temps pour un changement de culture face aux piétons.

Marie-Soleil Cloutier, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique et directrice du Laboratoire Piétons et espace urbain, résume : « L’environnement demeure une clé importante. Une rue avec un dos d’âne, qui est plus étroite, envoie les bons signaux pour que l’on conduise prudemment. Une norme sociale, ça se change avec les aménagements, avec la façon de traiter les collisions, et pas seulement en agissant sur les comportements. »

 

Références :

Le Devoir, Améli Pineda, L’inattention des automobilistes, danger impuni pour les piétons, publié le 27 février 2025, https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/849010/inattention-automobilistes-danger-impuni-pietons

Le Devoir, Stéphane Baillargeon, Les piétons sous le poids des mots des coroners, publié le 27 février 2025, https://www.ledevoir.com/societe/849016/pietons-sous-poids-mots-coroners

Le Devoir, Stéphane Baillargeon, L’Europe du Nord qu’on envie aussi pour la sécurité des piétons, publié le 1er mars 2025, https://www.ledevoir.com/monde/europe/850048/europe-nord-on-envie-aussi-securite-pietons

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