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La cavalerie débarque

durée 8 février 2023 | 16h14
François Drouin
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
François Drouin

Syndrome de la page blanche aujourd'hui. Je dois nourrir le blogue, mais je suis en panne sèche d'inspiration.

J'avais dans l'idée de vous parler de mon ami Pierre qui en 2023 résiste à l'idée d’avoir un téléphone cellulaire, mais j'ai été devancé par d'autres médias. Pas avec Pierre, mais ce que représente vivre en marge du «toujours joignable, tout le temps, tout de suite».

Bref, je me tourne les doigts sur mon clavier.

Qu'est-ce qu'il y a dans l'actualité qui pourrait bien m'inspirer... Han ?!

...

Il y a un éléphant dans la pièce, non ? Oui.

Pourquoi écrirais-je sur le drame de la garderie de Laval ou deux enfants ont été fauchés par l'autobus d'un conducteur fou ?

Pourquoi au juste ? Quel besoin de faire pleurer, de faire rager ? Le drame se suffit à lui-même.
Parfois, il n'y a rien de mieux que le silence, le recueillement.

Je connais trop bien la suite. Les caméras vont chercher à croquer sur le vif la moindre larme, au diable la pudeur. Les journalistes vont mettre le pied dans la porte de l'intimité de simples citoyens qui ne demanderaient pas mieux que d'être ailleurs. La machine médiatique va déployer tous ses moyens, tous, sauf son gros bon sens et surtout, son sens de la retenue.

C'est pour ça que je n'ai pas le câble, que je n'ai pas ouvert la télé depuis près d'un an, que j'écoute actuellement un podcast sur l'application OHdio et que j'ai fermé mon application de La Presse Mobile quand j'ai lu les premières phrases de la chronique d'Isabelle Hachey (que'j'admire).

«À la garderie, Junior s’accroche à notre cou. Comme d’habitude. Il rejoue la scène. Toujours la même. « Non, maman, ne me laisse pas… » Il pleure à chaudes larmes. On se défait de son emprise. On ne laisse rien paraitre, mais on a le cœur à l’envers. Comme d’habitude.»

C'est trop. Tellement trop. Des parents vivent ce genre de scène au quotidien ? Vraiment ?

C'est cette enflure médiatique qui avait fait dire à l'ancienne mairesse de L'Isle-Verte, Ursule Thériault, lorsque questionnée à savoir si le village se porterait mieux sans la présence de tous ces journalistes nationaux venus couvrir le terrible incendie de la Résidence du Havre, que oui, L'Isle-Verte «se porterait mieux».

Peut-on avoir le coeur brisé sans se le faire tordre encore plus ? J'espère, oui.

Et comme média, on peut nous avons le devoir d'apporter cette réflexion plus loin.

L'INSPQ a produit un très pertinent document lié aux conséquences de la médiatisation sur la santé.

  >> À consulter ICI : https://www.inspq.qc.ca/tueries-de-masse-et-traitement-mediatique/consequences-de-la-mediatisation-sur-la-sante

Je vous invite à porter attention aux conséquences liées à la stigmatisation et conséquences liées aux interactions entre les médias et les communautés touchées.

Voilà un outil, une réflexion pertinente que tout média doit prendre en compte dans sa couverture médiatique. L'INSPQ offre aussi des pistes visant à soutenir une couverture adéquate dans le cas de faits divers comme des tuerie de masse.

«Lorsqu’une tuerie survient, son importante couverture médiatique fait en sorte qu’elle se retrouve dans le quotidien des gens et possiblement au centre de leurs préoccupations. Cette médiatisation, comme le démontrent de nombreuses études dont il sera question ci-dessous, comporte des conséquences pour la santé des individus et des communautés. La couverture d’un tel évènement et la construction de ce type de nouvelle comme produit médiatique devraient dès lors être faites à la lumière de ces répercussions.»

«Les victimes légèrement blessées ou sans traumatisme corporel sont souvent prisées par les journalistes, puisqu’elles représentent une source d’informations primaires et ne requièrent pas d’attention médicale d’urgence. Compte tenu du choc que viennent tout juste de vivre ces individus, cette pratique n’est pas, selon plusieurs auteurs, la meilleure stratégie à adopter.»

Ce passage ici est particulièrement important pour les journalistes et les médias.

«Comme indiqué préalablement, certains témoins ou victimes d’évènements violents peuvent ne pas être aptes à commenter. Il a été documenté que : des personnes présentes sur les lieux d’une tuerie ne comprenaient pas ou ne se souvenaient plus a posteriori avoir donné une entrevue aux médias; les journalistes, lors de situations de stress, peuvent facilement être confondus avec les premiers répondants de la crise.»

Avant de parler de santé mentale et d’en faire un enjeu, il serait pertinent d’attendre un diagnostic. La haine, comme le rappelle la Dre Coton, psychiatre au CHRGP, n’est pas un problème de santé mentale.

Notre travail est difficile, mais il faut éviter le piège de la facilité. Voir plus loin que le beat, que le concurrent, que les exigences d'un mauvais chef de pupitre ou directeur de l'information. Ne pas perdre notre humanité, aussi.

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