Pour une guignolée plus inclusive

On ne peut pas être contre la vertu, mais parfois, la vertu s'exprime maladroitement.

Je m’explique.

Il y a deux ans, à la suite de la Guignolée des médias, un homme a communiqué avec nous. Désespéré, il demandait de l’aide. Ce retraité vivait une situation précaire... et il avait faim.

Mais, nous a-t-il raconté, la Société Saint-Vincent-de-Paul, section masculine, a refusé de l’aider. Pourquoi ? Parce qu’il avait plus de 65 ans. Sa petite pension minimale lui interdisait l’accès à un simple coupon alimentaire. Tant pis pour son estomac vide.

Depuis, nous avons reçu d’autres témoignages qui allaient dans le même sens.

L’an dernier, j’ai donc contacté l’organisme pour partager mon malaise, pour voir avec eux, une façon d’être plus inclusif. Les représentants avec qui j’ai discuté m’ont dit qu’ils reconsidéreraient, peut-être, certains points de leurs critères. Le système en place permet d’aider, mais il est clairement imparfait et pourrait être amélioré. Toutefois, ses défauts ne devraient pas remettre en question la pertinence de donner, les besoins sont immenses, mais ces défauts doivent être corrigés.

Je le souligne ici, ce sont des bénévoles et ils sont bien intentionnés. Malheureusement, leurs critères d’admission sont, excusez-moi, complètement largués, dépassés. Naïvement, je croyais que ces exigences seraient assouplies.

Et voilà que je reçois leur communiqué annonçant la Guignolée des médias 2024. Et que lit-on ? Encore ce mode de distribution opaque, rigide et discriminatoire.

Voici ce qu’indique la section masculine de Saint-Vincent-de-Paul :

Les critères d’admissibilité pour recevoir l’aide alimentaire sont les suivants : être résident de Rivière-du-Loup (preuves nécessaires : bail, permis de conduire et/ou carte d’hôpital), être âgé de moins de 65 ans, et être à faible revenu (à justifier lors de la rencontre).

Donc, un nouvel arrivant sans bail, sans permis de conduire ou sans carte d’hôpital est exclu ?! Une personne de 65 ans et plus aussi ?! Pareil si vous habitez Saint-Antonin, Saint-Arsène ou Cacouna ?! Pourtant, des citoyens de ces municipalités donnent eux aussi à la Guignolée des médias.

Vous avez plus de 65 ans ? Pas le droit d’avoir faim, tenez-vous-le pour dit. Vous êtes un nouvel arrivant, un immigrant, un étudiant ? Allez voir ailleurs ! Vous ne savez pas budgéter, tant pis pour vous !

Et une fois que vous aurez pilé sur votre orgueil, vous devrez encore vous justifier lors d’une rencontre. Un "pitch" de vente de votre ventre creux. C’est inutile. Surtout, c’est humiliant.

Refuser de nourrir quelqu’un parce qu’une personne ne peut prouver son adresse ou qu’elle a franchi un seuil arbitraire d’âge, c’est nier l’essence même de la mission d’entraide. À quoi sert une guignolée si elle exclut ceux qui en ont le plus besoin ?

N’est-il pas possible d’assouplir ces critères pour répondre à l’urgence alimentaire sans imposer des démarches administratives qui peuvent être dégradantes pour le demandeur ? Pourquoi ne pas s’inspirer d’organismes qui privilégient la confiance et l’écoute plutôt que le contrôle ?

La pauvreté n’a ni âge, ni couleur, ni sexe, et la faim ne devrait jamais être un prétexte à l’humiliation. JAMAIS.

Les bénévoles de la Saint-Vincent-de-Paul, section masculine, je le rappelle, accomplissent un travail important et nécessaire. Mais il est temps de repenser ces critères désuets pour que l’aide offerte reflète réellement les besoins de notre communauté. Une communauté qui ne se limite pas au territoire de Rivière-du-Loup. La peur de donner à ceux qui n’en auraient soi-disant pas besoin ne doit pas pénaliser ceux qui en dépendent. On ne peut pas pénaliser des gens en situation de précarité alimentaire sous prétexte de prévenir des cas d’abus.

À défaut de changements, Info Dimanche réorientera son aide, en tout ou en partie, vers d’autres organismes où l’inclusivité sera au centre de leurs actions. D’ici là, je vous invite à donner généreusement aux différentes guignolées, ainsi qu’aux organismes d’aide alimentaire comme le Carrefour d’Initiatives Populaires de Rivière-du-Loup.