Quand le corps devient une prison
Rivière-du-Loup - Il y a foule dans la salle communautaire du centre d’hébergement Saint-Joseph à Rivière-du-Loup. Les personnes âgées et des membres de leurs familles célèbrent, dansent, chantent. À travers tout ce monde, Antoinette Nadeau fredonne, tenant la main d'une autre dame, plus jeune et aux traits familiers. Elle sourit, mais son visage trahit une mélancolie.
Comme tous les après-midis depuis 16 ans, Antoinette, qui réside au Manoir des Pommiers, tient compagnie à sa fille, Jacynthe, qui n'a que 58 ans.
Vous la connaissez, moi aussi. Son nom sera familier à plus d'un à Rivière-du-Loup et dans les environs. Jacynthe Lévesque a longtemps été très active. Aujourd'hui, la maladie la confine à un fauteuil gériatrique adapté. Son esprit intact est emprisonné dans un corps rendu inerte par les ravages de la sclérose en plaques. Graduellement, elle a vu ses capacités la quitter. Il y a 16 ans, âgée 42 ans, elle a dû se résigner à demeurer dans ce milieu.
«Elle est bien traitée ici. Il y a beaucoup d'activités. On répond bien à ses besoins. Le personnel est très attentionné. Moi, je viens la voir chaque après-midi», dit madame Nadeau, la gorge nouée par l'émotion, elle qui durant de nombreuses années a visité sa mère et son père qui étaient aussi hébergés au même endroit.
Il est visiblement rare que les gens abordent ce sujet avec elle, ne sachant pas quoi dire. Autrefois si fringante, Jacinthe écoute, le regard fixe. C'est par les yeux qu'elle communique. Elle réagit, mais ne bouge pas, ne parle plus.
«C'est difficile de la voir comme ça. Elle était dans tous les sports, tellement active», raconte sa mère. Si Jacynthe ne parlait jamais de sa maladie, elle l'a néanmoins écrit dans un livre intitulé «Avec les mains de mon coeur», lancé en mai 1980, où sont décrits les 9 mois qu'elle a passés à l'hôpital.
Chaque après-midi, Antoinette et Jacynthe passent de bons moments ensemble. Elles écoutent des films, des chansons, toutes deux vont prendre l'air, comme autrefois. Toutes deux communiquent, se comprennent et s'aiment de l'intense tendresse qui constitue la force vive des gens de coeur. «Je l'aime tellement, on arrête jamais d'être maman!»
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