Après 27 ans, Johanne Levasseur remise son uniforme de police
Première femme policière de Rivière-du-Loup en 1989, la sergente Johanne Levasseur a fortement contribué à changer l’image de la police en région. Aujourd’hui à la retraite, l’ex-patrouilleuse et agente communautaire a accepté de revenir sur sa carrière de 27 ans.
De nature discrète et peu encline à parler d’elle, Johanne Levasseur admet du bout des lèvres qu’elle aura permis de faire évoluer les mentalités sur la présence des femmes au sein des corps de police.
«C’était une époque différente. Il y avait eu Nicole Juteau à la SQ en 1975, mais 24 ans plus tard, les femmes étaient encore peu nombreuses. J’ai foncé et ça m’a bien servi, j’ai eu une belle carrière, vraiment. J’ai eu des collègues formidables et des rencontres enrichissantes. C’était un privilège pour moi de porter l’uniforme, je voulais m’en montrer digne», commente-t-elle.
DÉBUTS
Pourtant, ses premiers pas à titre de policière se sont fait sous le signe de la résistance. Résistance de quelques policiers, une minorité tient-elle à préciser, qui ont refusé de patrouiller en sa compagnie, mais aussi de sa propre résistance, un refus d’abdiquer.
«Ils ne se sentaient pas en sécurité avec une femme, mais je ne me suis pas arrêté à ça. J’étais passionnée et je voulais faire mes preuves, leur montrer ce qu’une femme peut faire, alors je suis passée par dessus et rapidement, les mentalités ont évolué. Ils ont vu de quel bois je me chauffais, j’ai obtenu leur confiance, et avec les temps, ils ont appris à me côtoyer et accepter mes différences. Ça m’a permis d’encore mieux m’intégrer. Nous étions une famille», lance Johanne Levasseur.
À ses 14 premières années, elle a occupé le poste de policière-pompière. Autre temps autre mœurs, à cette époque (pas si lointaine), les policiers étaient aussi pompiers à Rivière-du-Loup. «J’ai beaucoup appris, c’était toute une école. De la manipulation des pinces de désincarcération à l’attaque d’un brasier, j’ai eu la chance d’avoir des collègues généreux qui lors de nos gardes de nuit, m’ont formé à titre de pompière.»
En compagnie de l’agent Pierre Dubé, avec qui elle travaillera pendant 16 ans et en qui elle souligne avoir eu une confiance aveugle, Johanne Levasseur pose alors les pierres sur lesquelles elle a bâti sa carrière : courage, détermination et témérité.
Une carrière qui a été riche en anecdotes. Arrestation d’un homme armé d’un révolver, réception d’une fameuse lettre à l’anthrax (qui s’est avéré être une poudre inoffensive), la liste est longue. Elle est aussi marquée d’incidents tragiques que l’ex-policière aborde avec sensibilité. «On voit beaucoup de choses, trop même. Au fil du temps, ça devient des photos.» Elle choisit donc avec soin les albums qu’elle souhaite ouvrir.
MÉTIER
Pour autant, ce n’est pas le métier de policière de terrain auquel se prédestinait une jeune Johanne Levasseur, mais plutôt à l’identification criminelle. «À la base, j’aimais dessiner et la conception de portraits-robots m’intéressait. De fil en aiguille, en apprivoisant le métier, j’ai souhaité être dans l’action. Les histoires de mon grand-père policier qu’on me racontait touchaient une corde sensible.»
L’été, comme pour plusieurs aspirants policiers, Johanne Levasseur a donc débuté à titre d’agente de stationnement. À sa troisième année, face à un manque d’effectif, le service de sécurité l’a même nommé agente spéciale. Elle s’est donc retrouvée non armée, en patrouille avec de véritables policiers.
Si en 27 ans de métier, il lui est arrivé de dégainer son arme, elle se félicite encore de n’avoir jamais eu à en faire usage. A-t-elle eu des regrets ? Un seul, celui de ne pas avoir pu aider à accoucher. «Dans ta carrière, tu vas être appelé à sauver des vies de différentes façons. Mais celle-là, c’est quelque chose de grand, un beau cadeau de la vie.»
Et la critique ? «Souvent, la critique n’est pas à l’endroit du policier, mais plutôt de la fonction elle-même, de l’uniforme. Il y a des exceptions, mais en général, si tu es exemplaire, que tu travailles dans le respect des règles et des gens, les critiques sont beaucoup plus superficielles, ce sont des clichés. Plusieurs ont compris que la clip de 15 secondes qu’on voit aux nouvelles ou sur Facebook ne représente pas la réalité.»
AGENTE COMMUNAUTAIRE
Pour plusieurs Louperivois, Johanne Levasseur est avant tout l’agente communautaire croisée à l’école, dans un centre pour personnes âgées ou encore dans un des nombreux comités où elle a siégé au fil du temps. Une fonction qu’elle a particulièrement aimée.
«J’ai beaucoup appris, sur les gens, sur les jeunes, les moins jeunes et sur moi aussi. Agente communautaire a été très gratifiant, c’est certain», a-t-elle commenté.
Quant à la fusion avec la Sûreté du Québec, l’ex-sergente croit que les Louperivois n’ont pas perdu au change. «Ça n’a pas été négatif. Être policier, ce n’est pas seulement la couleur de ton uniforme. La machine est plus grosse, mais les moyens sont aussi plus importants. Quand nous avons été intégrés, je me suis tournée vers l’avenir.»
FEMMMES POLICIÈRES
En 1975, Nicole Juteau marque les esprits et devient la première femme policière du Québec. En 1979, le SPVM accueille la première femme au sein de sa cohorte d’agents, Christiane Forcier. Pour Rivière-du-Loup, il faut attendre 1989 avec l’arrivée de Johanne Levasseur.
Aujourd’hui, le poste de la SQ de la MRC de Rivière-du-Loup compte sur la présence de 11 agentes. Le poste de la MRC de Témiscouata en compte 7, tout comme le poste de la MRC de Kamouraska qui en dénombre aussi 7, Le poste de la MRC des Basques compte sur la présence 3 policières. Ainsi, au KRTB on dénombre 28 femmes policières. À noter que pour des raisons de sécurité, la SQ a refusé de dévoiler le nombre total de policiers par poste.
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Claudine