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Une publicité vraiment « sick »

durée 2 avril 2023 | 20h02
Geneviève Malenfant Robichaud
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
Geneviève Malenfant Robichaud

Je ne pensais pas que qu’une publicité pouvait me donner plus mal au cœur que celle sur la mycose des ongles. Il demeure que je suis maintenant conditionnée à appuyer sur « silence » chaque fois que le mot « faucon » est prononcé avant une baladodiffusion…


J’ai réécrit cette chronique à au moins trois reprises. Tentant de comprendre ce qui me dérange tant. Essayant de saisir d’où vient cette réaction si viscérale. Après tout, le climat et la biodiversité se dérèglent, on manque de logements abordables, des gens se font tuer sur les trottoirs par d’autres gens dont la santé mentale souffre… Pourquoi donc perdre mon temps et mon énergie sur ce sujet ?


Je crois que c’est justement ce que cette publicité fait. Me faire perdre inutilement mon temps, mon énergie et l’argent public. Le langage utilisé ne représente rien. Mettons que 100 jeunes présentent un exposé sur le faucon pèlerin. Si un seul sonne exactement comme ce présentateur, je serai la première surprise. Non seulement on y mélange deux niveaux de langue, le normatif de style documentaire et le populaire, mais aussi des « époques différentes de langage jeune », si vous me passez l’expression. Ce discours semble avoir été écrit par Jocelyne dans Radio Enfer (une psychologue larguée qui essayait de parler « le jeune » dans une comédie des années 90, pour ceux-celles qui ne connaissent pas le référent).


En plus, les phrases ne font pas vraiment de sens. Le faucon pèlerin est menacé en raison de la destruction de son environnement. Ses capacités de chasse et son supposé « calme » n’ont rien à voir avec son statut d’animal menacé. Le message ne dit rien sur les mesures à prendre collectivement pour améliorer la situation du faucon. Ou du français.

 
Si les jeunes ne se reconnaissent pas, ils n’auront pas l’impulsion de changer leurs comportements. Pire encore s’ils sentent qu’on les méprise. Quoique peut-être que je m’offusque pour eux alors qu’eux n’en ont rien à faire ?


Reste que j’ai un malaise. J’ai l’impression que nous leur disons : « Tu ne suffis pas. Ta version de ta langue est mauvaise. Tu seras responsable de notre mort. » Comme si toutes les générations précédentes avaient maitrisé le « bon parler radio-canadien ». Comme si la survie d’un langage et d’une culture reposait uniquement entre les mains de grand.e.s experts linguistiques omniscients. Comme si nos artistes s’exprimaient toujours à la perfection. Comme si le peuple québécois non éduqué n’avait joué aucun rôle dans la transmission du français après la conquête, que seule l’élite religieuse avait accompli cet exploit ! Toutes les langues présentent différents niveaux de langage et sont influencées par d’autres langues. Le « franglais » d’aujourd’hui n’est pas si différent du joual des années 60. Ce n’est pas un défaut en soi.


Bien sûr, je reconnais qu’il faut exposer nos jeunes à une grande diversité, y compris de contenu plus soutenu, et qu’ils.elles doivent faire des efforts de leurs côtés. Mais une réflexion collective est nécessaire ici. Je n’apprécie pas qu’on chercher à leur faire porter le blâme.


Nous aurions pu prendre cet argent pour faire des capsules de promotion du français. Des vedettes qui partagent leurs livres préférés (quoi que À go, on lit, le fait déjà très bien) ? Des poètes qui déclament leur amour du français ? Des capsules de petites histoires d’immigrants ou francophones hors Québec racontant l’importance du français dans leurs vies ? Ou si on reste dans la thématique animalière, utiliser des illustrations pour présenter des animaux d’ici méconnus (pour cette suggestion, j’avais en tête le grandiose Le petit livre pour les géants par Obom) ? Ou juste financer davantage de livres et d’émissions de télé jeunesse audacieux pour attirer la nouvelle génération ? On ne manque pas de créateurs-créatrices au Québec, faut leur donner les moyens de leurs ambitions.


Je crois que c’est ce qui me dérange : cette publicité n’accomplit rien. À part se garantir une place au prochain Bye-bye (devrait-on dire plutôt Au revoir-Au revoir ?).


P.S. Peut-on aussi passer un message à l’équipe responsable de la publicité sur la cyberintimidation ? L’intimidation, ce n’est pas de dire une fois à un joueur qu’il est « un gros perdant pas de talent ». Les jeunes méritent de meilleures campagnes de sensibilisation.

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