L'indignation à géométrie variable
Pierre Jobin
Les chefs d’états du monde occidental ont été unanimes à dénoncer les récents attentats du Hamas à l’égard de la population civile israélienne. Rien ne peut justifier l’assassinat de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants. Mais face à cette indignation tout à fait justifiée, je ne peux m’empêcher de constater que la réaction occidentale n’est pas exactement la même quand les victimes sont dans le camp palestinien.
Cette violence ne peut effectivement se justifier, mais elle peut se comprendre. Comme le soulignait ce pacifiste israélien dans La presse du 11 octobre (1) :
« Les Gazaouis vivent dans un état de siège. Leurs infrastructures sont détruites. Il y a des pénuries d’eau potable. Ça ne laisse pas beaucoup d’espoir pour convaincre les gens de Gaza de ne pas utiliser la violence pour changer la situation. »
Gershon Baskin, militant pacifiste israélien
Or la situation des Palestiniens tant en Cisjordanie qu’à Gaza devrait également susciter notre indignation. Car elle est en très grande partie la cause de cette violence.
Israël occupe de façon illégale le territoire de la Palestine depuis des décennies. Il impose aux Palestiniens un régime d’apartheid. La bande de Gaza est à toute fin pratique une immense prison où les civils sont à la merci de l’aide internationale et du blocus israélien. Du côté de la Cisjordanie, les colonies israéliennes illégales se multiplient et les palestiniens sont victimes de la violence des colons israéliens avec la complicité de l’armée. Les Palestiniens ont été dépossédés de leurs terres et de la possibilité d’y vivre dignement par un mouvement sioniste qui vise leur disparition, du moins sur ce territoire.
La riposte israélienne
Il est malheureusement facile de prévoir que la riposte de l’armée israélienne va également faire des milliers de morts chez les civils palestiniens. Car en plus des bombardements qui vont faire des centaines de mort chez des civils innocents, Israël, en contravention avec le droit international, impose un blocus aux habitants de Gaza.
« Pas d’électricité, pas de nourriture, pas de gaz (…). Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence. » C’est par ces mots que le ministre de la défense israélien, Yoav Gallant, a annoncé, le lundi 9 octobre, la mise en place du « siège complet » de la bande de Gaza, deux jours après les attaques massives du Hamas » (2) « Nous combattons des animaux ». L’opération de déshumanisation ne pourrait être plus claire.
Bien sûr, les leaders occidentaux vont lancer des appels au calme, ils vont demander à Israël de respecter les droits de la guerre et après avoir longtemps tergiversé, ils finiront peut-être par dénoncer les exactions de l’armée israélienne. Mais, comme dans les précédents conflits, des milliers de civils Palestiniens auront perdu la vie ou ils seront gravement blessés. Et au bout du compte, les gouvernements occidentaux vont continuer à approvisionner Israël en armes et à soutenir le régime israélien.
La fausse vertu morale de l’Occident
Les pays occidentaux aiment bien se présenter comme défenseurs des droits et libertés de la personne et du droit international. La réalité est qu’ils ne le font que trop souvent quand cette défense sert leurs intérêts géopolitiques.
Le peuple de la Palestine est victime d’un déni de justice depuis des décennies. Il est écrasé, meurtri, violenté et tué depuis des années sous le regard indifférent des pays occidentaux. Il est trop facile de s’indigner de la violence du côté des Palestiniens quand on ferme les yeux sur la violence du régime qui les écrase et les fait disparaître lentement.
En octobre 2011, la majorité des pays membres ont voté en faveur de l’admission de la Palestine à l’Unesco. Seulement 14 pays ont voté contre cette adhésion. Les États-Unis, le Canada et bien sûr Israël étaient du nombre des pays contre cette adhésion. Les États-Unis et Israël en ont même profité pour cesser de payer leur cotisation à l’Unesco.
Les leaders occidentaux ont-ils réellement la crédibilité pour appeler les combattants du Hamas au calme et à la modération ? Encore faudrait-il être capable de distinguer clairement entre le Hamas et le peuple palestinien.
Artisans de paix et assoiffés de justice
Il y a fort peu de chance que la paix et la justice proviennent d’un dialogue entre le Hamas et l’actuel gouvernement israélien. Il y a pourtant bien des artisans de paix et des assoiffés de justice dans les camps israélien et palestinien. Mais ce ne sont pas eux qui font la une des nouvelles. Ce ne sont pas eux et elles qui ont le plus d’influence et d’audience.
La paix sera impossible tant que justice ne sera pas rendu au peuple palestinien.
- https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2023-10-11/israel-et-le-hamas-en-guerre/la-violence-daltonienne.php
- https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/10/du-blocus-au-siege-complet-de-la-bande-de-gaza-par-israel-les-craintes-d-une-catastrophe-humanitaire_6193599_3210.html
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