Liberté d’expression, on lance les dés et advienne que pourra?
Pierre Lachaîne
Liberté d’expression, on lance les dés et advienne que pourra?
En ce début d’année 2024, je dois vous avouer, bien humblement, que le sujet de la liberté d’expression m’a trituré tout au long de la dernière année. Prenons le cas de l’agronome Louis Robert, fonctionnaire provincial durant 32 ans, qui a été limogé en 2019 pour avoir dénoncé l'ingérence du secteur privé dans la recherche publique sur les pesticides au CÉROM (Centre de recherche sur les grains), d'abord auprès du MAPAQ, puis en transmettant une note ministérielle à un journaliste de Radio-Canada.
En vertu d’une décision rendue par la protectrice du citoyen Marie Rinfret à la suite de son enquête concernant des irrégularités administratives au MAPAQ (ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec), l’agronome Louis Robert a été réintégré dans ses fonctions.
Nous vivons dans un pays libre, nous aimons l’affirmer fièrement. Cependant, il importe que nous procédions à quelques vérifications. Dans les pays autoritaires, publier un texte, prendre position dans une déclaration peut, potentiellement, vous mener tout droit derrière les barreaux. Donc, la liberté d’expression n’existe pas dans un tel contexte. Ce n’est pas très réconfortant, mais ça a le mérite d’être clair. Prendre position contre les pouvoirs en place peut alors entraîner des conséquences immédiates qui pourraient même vous être fatales.
Vous me direz que ce n’est pas tout à fait la réalité dans laquelle nous vivons. Nous pouvons nous exprimer sans restriction, sans ménagement et surtout sans épée de Damoclès au-dessus du chef. Vraiment?
Certes, perdre son emploi n’est pas un emprisonnement mais cela peut entraîner de graves conséquences. Depuis un bon moment déjà mais surtout durant la dernière année, j’ai noté un nombre incroyable d’occasions où des gens font des déclarations en requérant l’anonymat pour éviter des représailles. Plusieurs journalistes de la presse écrite ayant couvert des situations difficiles dans les secteurs de la santé et de l’éducation citent souvent une infirmière ou une enseignante pour déplorer des conditions de travail déshumanisantes qui mènent à la ruine du personnel. Fatigue extrême et découragement généralisé reviennent constamment à la surface. Imaginez un peu, vous devez aller chercher votre enfant à la garderie, mais on vous impose un huit heures de travail supplémentaires obligatoires, vous faites quoi? Dans la majorité des cas, ces gens s’expriment sous le couvert de l’anonymat. Pourquoi?
Est-ce le fruit de relations de travail tellement pourries que la mesquinerie soit maintenant érigée en norme? Est-ce tout le système des relations de travail des secteurs publics qui se retrouve maintenant dans une espèce de cul-de-sac où l’arbitraire et le laxisme font loi? Dans la dernière année, 800 enseignants qui étaient à l’emploi des services scolaires depuis moins de cinq ans ont démissionné. C’est énorme et le moins que l’on puisse dire est qu’il y a là un puissant signal de détresse.
Que le recours à l’anonymat soit si fréquent est révélateur. Est-ce un régime de terreur garanti pour toutes personnes qui oseraient s’exprimer concernant les travers d’une organisation? Je ne sais pas, mais c’est inquiétant pour ne pas dire terrorisant.
À tous et à toutes, je vous souhaite une très bonne année 2024 dans la joie et surtout dans la paix.
1 commentaires
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Il est cependant exact que pour en arriver là, monsieur Robert a dû passer par un parcours du combattant épuisant. Vrai aussi que sa notoriété professionnelle a certainement aidé sa cause, notamment auprès des médias. C'est peut-être pour cela que les commentaires des acteurs de la fonction publique se font le plus souvent sous le couvert de l'anonymat. Ce n'est pas tout le monde qui est prêt à sacrifier de longues années à la défense de sa cause.
S'il faut rester vigilants, reconnaissons tout de même que npus vivons dans une société où la liberté d'expression est probablement la mieux protégée dans le monde.