C’est pas parce que c’est local que c’est pas bon!
Geneviève Malenfant Robichaud
Même si la capitale et la métropole sont de plus en plus délaissées, il demeure difficile pour plusieurs citadins de la grande urbanité de comprendre l’intérêt de vivre en région. L’un des aspects négatifs souvent mentionnés est la présumée absence de vie culturelle. Bien sûr, il est vrai que certaines activités ne sont disponibles que dans les grands centres. Toutefois, il est faux de penser que la culture n’est tributaire que de la popularité, des gros budgets ou de la meilleure expertise.
Une offre plus réduite de gros spectacles crée un plus grand espace pour les projets plus petits, plus proche du public, plus accessible à tous. Je me rappelle la première fois où j’ai vu Fred Pellerin. C’était lors d’un festival sur le site d’une mine-musée à Val-d’Or. La salle était pleine mais gardait cette impression de proximité, de contact direct avec l’artiste. Une impression que j’ai retrouvée à un autre festival de contes et légendes à Trois-Pistoles, mais plus jamais dans les auditoriums où j’ai revu Pellerin par la suite (même si c’était de bons spectacles pareil).
À mon arrivée à Rivière-du-Loup, j’ai été séduite par la création graduelle d’une offre culturelle locale de plus en plus importante. Le cabaret Kérouac. La cellule Kino. Le journal citoyen La Rumeur du Loup (d’abord appelé Le cul-de-poule). Une émission de télé communautaire de discussion qui avait aussi un nom de loup. Le festival Vues dans la tête de… Le Cinédit. Les spectacles de maison/de rue/de grange/de musée organisés par le Rainbow Submarine. Les troupes de théâtre amateur et semi-pro. Le cercle de lecture. Les présentations des films des élèves de l’école de cinéma. Un spectacle à saveur érotique pour la St-Valentin. Le festival de textes théâtraux Les mots de la rive. Les rencontres avec slammeurs et auteurs/autrices. En plus de l’offre des villes avoisinantes (contes, cirque). J’en oublie très certainement.
Des endroits où passer du bon temps. Des endroits où voir des gens passionnés, dans la salle comme sur scène. Des endroits où découvrir et partager. Mais aussi des endroits où les gens du coin ou de passage peuvent expérimenter sans complexe.
J’ai pris part (à ma modeste façon) à plusieurs de ses événements citoyens. Je n’ai pas toujours choisi les bons textes pour conserver l’attention du public. Je n’ai pas toujours bien performé. Je me suis enfargée dans ma langue. Je me suis creusé la tête à comprendre quoi écrire, quand et comment. J’ai stressé en révisant ma feuille. J’ai presque aucun souvenir de comment je suis redescendue de la scène bien souvent. Il y a eu des applaudissements mérités et des critiques emphatiques bien utiles. Mais chaque fois, le public m’a gentiment accueillie dans mon développement et mon expression. Et j’ai tenté de mon mieux de mettre de côté mon jugement et de soutenir les autres dans leur expérience.
L’occasion de voir régulièrement des professionnels à l’œuvre est un privilège urbain très appréciable. Tout comme les plus nombreuses occasions de travail et de support pour les artistes professionnels. Mais l’art appartient à tous. Il est beaucoup plus facile (et possible!) de danser sur la scène du cabaret Kérouac que sur celle des Grands ballets canadiens! Et c’est bien correct comme ça! Il y a de la place pour toutes ces initiatives. Seulement, dans un petit milieu, il est plus aisé de savoir comment s’y prendre pour y ajouter notre couleur.
Ce samedi, le 27 janvier, le Cabaret Kérouac fête son 10ième anniversaire. Cette soirée de musique, de lecture de texte et de performances diverses (on a eu droit à de la peinture en direct, plusieurs sortes de danse, des tableaux vivants, une machine à rêve, de la nage synchronisée-pas-d’eau) est toujours une fête (parfois même avec des déguisements d’Halloween et des feuilles d’arbres qui volent partout!). Malgré le départ de plusieurs des créateurs originaux, la culture y est célébrée à sa juste valeur. Bon anniversaire Cabaret Kérouac!
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