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Réflexions de la Saint-Valentin

durée 18 février 2024 | 16h53
Pierre Jobin
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
Pierre Jobin

Ils étaient un peu plus d’une douzaine dans l’église. Leur présence ne pouvait passer inaperçue. Ils apportaient dans notre assemblée une diversité à laquelle nous ne sommes pas habitué.es. Et ils contribuaient manifestement à faire baisser la moyenne d’âge de notre groupe!

Au début de la célébration, le prêtre leur avait souhaité la bienvenue. Comme plusieurs d’entre nous, ils étaient venus d’une autre localité afin de célébrer le mercredi des cendres. Il s’agissait d’un groupe de travailleurs « temporaires » originaires de l’île Maurice. Ces derniers sont des employés de la compagnie Asta de la municipalité de Saint-Alexandre.

Le hasard du calendrier liturgique a voulu que cette année, le mercredi des cendres tombe la même journée que la Saint-Valentin, la fête des amoureux. En regardant ce groupe essentiellement composé d’hommes relativement jeunes dans la vingtaine ou la trentaine, je n’ai pu m’empêcher de penser que cette fête pouvait prendre pour eux une couleur bien particulière. Bon nombre d’entre eux ont, à des milliers de kilomètre de nous, des petites ami.es, des conjoint.es, des enfants qu’ils n’ont pas vu et tenu dans leurs bras depuis des semaines, sinon des mois. Sans être très au fait des conditions de travail qui sont les leurs comme travailleurs « temporaires », je ne devine que trop bien leurs conditions de vie, séparés de leur famille et de leurs ami.es.

Depuis le début de ce texte, je mets le mot temporaire entre guillemets. Car si je comprends très bien le caractère temporaire de certains travaux saisonniers, notamment en agriculture, je me questionne sérieusement sur le caractère temporaire du travail de ces gens dans un abattoir de porcs. Ces travailleurs viennent combler un manque de main-d’œuvre essentielle au fonctionnement de cette entreprise. Alors pourquoi ne pas accorder la résidence permanente à ceux qui le désirent et leur permettre ainsi de faire venir leur conjoint.e et leurs enfants ?

Je comprends que cela pourrait constituer un défi supplémentaire, notamment au niveau du logement. Mais cela pourrait également, dans nos localités en décroissance, comporter des opportunités. Nous peinons à maintenir nos écoles ouvertes faute d’élèves. Ces enfants seraient les bienvenu.es.

Et je me plais à imaginer ces jeunes femmes de l’île Maurice qui viendraient s’établir dans nos villages se joignant aux cercles de fermières pour apprendre notre artisanat et partager le leur. Je sais, je rêve un peu tout haut. Et j’idéalise sûrement beaucoup.

Je suis du genre à voir la diversité plus comme une richesse que comme une menace. Bien sûr, cela représente aussi des défis comme le logement ou l’apprentissage de la langue. Dans le cas de ces travailleurs issus de l’île Maurice, pour la plupart le français n’est pas un problème. Même si la langue de la majorité des habitants de l’île est le créole mauricien, les deux langues officielles du pays sont le français et l’anglais. Ceux que j’ai rencontrés ne semblaient éprouver aucune difficulté avec la langue de Molière.

Le Québec a accueilli à une époque pas si lointaine des milliers de réfugié.es du Vietnam, puis du Cambodge. Nous avons également fait pression sur le gouvernement fédéral pour pouvoir accueillir des réfugié.es en provenance d’Haïti. Aujourd’hui, nous sommes fiers de compter parmi nos compatriotes des écrivain.es comme Kim Thuy, Dany Laferrière, Stanley Péan, Rodney Saint-Éloi et des cinéastes comme Kim Nguyen. Loin d’être une menace à notre langue et à notre culture, leur apport au Québec a contribué à nous enrichir.

J’ai parfois la nostalgie de ces deux grands ministres de l’immigration du Québec que furent Jacques Couture et Gérald Godin qui partageaient l’un comme l’autre une vision d’un Québec ouvert et sûr de lui-même, capable d’accueil et de générosité. Bien sûr que cette capacité d’accueil peut avoir des limites. Ce qui est triste c’est de la voir ratatiner sous l’effet de la peur.

Comme le disait Godin : « « Nous devons former avec les communautés culturelles un monde nouveau, une société modèle, meilleure, libre, ouverte et accueillante, car la diversité culturelle est garante de l’enrichissement et de l’ouverture d’esprit d’une nation » (1)

 

  1. https://www.delitfrancais.com/2011/03/29/quand-les-colombes-portaient-fusil-en-bandouliere/

 

commentairesCommentaires

1

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  • ÉV
    Éliane Vincent
    temps Il y a 10 mois
    C'est Godin qui a raison. Nous avons la chance de vivre dans un quartier de cette planète immense où la vie peut être riche et bonne à prendre. Comment oser dire à ceux qui n'ont pas notre chance de rester chez eux, dans la misère et dans les cris, alors qu'ils ont tant à partager, pour peu que leur laisse une place près de nous. Place qui ne manque pas, d'ailleurs...

    Merci de rêver tout haut!
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