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Quand la visite dérange

durée 29 janvier 2014 | 14h28
François Drouin
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
François Drouin

Lundi, en point de presse avec les journalistes locaux, la mairesse de L'Isle-Verte, Ursule Thériault, a été franche, très franche. Trop ? Peut-être. « L’Isle-Verte se porterait mieux sans les journalistes. » Des journalistes dérangent, ça ne fait aucun doute. Pas tous, une minorité même, mais suffisamment pour que le problème soit soulevé.

L’Isle-Verte est un village meurtri, ébranlé, choqué et assiégé.

Des comparaisons avec Lac-Mégantic ont rapidement été établies. À mon sens, c’est une erreur. Oui, le bilan en perte de vies humaines est lourd. Oui, les médias sont présents en grand nombre. Mais les comparaisons s’arrêtent là.

À L’Isle-Verte, le site de la tragédie est ténu, concentré à un seul bâtiment. Il n’y a pas de propriétaire américain insensible. Ceux de la Résidence du Havre sont appréciés, Roch Bernier a même été ovationné à l’église.

Depuis que le brasier a enseveli les morts, le périmètre de sécurité a été élargi, une clôture a été érigée, les ruines ont été couvertes d’un linceul. Les images chocs ont déjà été prises. Alors…

Alors, il reste les larmes.

Une meute de journalistes, ça ne se nourrit pas avec deux seuls points de presse par jour. Il faut justifier son job, sa présence. L’information est maintenant en continu. Il faut meubler, souvent, sans avoir le temps de prendre le recul nécessaire. Le village est petit et la pression est forte. Il faut se démarquer, il faut trouver une histoire... alors on place le pied dans la porte.

Certains l’ont fait avec un doigté, qui doit faire école. J'ai entendu beaucoup de bien de Pierre Jobin. D’autres… On m’a rapporté que certains ont été jusqu'à se faire passer pour des « intervenants » afin d’obtenir des témoignages. Mme Thériault avait-elle ce genre d’informations en tête lorsqu’elle a répondu aux journalistes? Si j'ai bonne mémoire, la question était : « Est-ce que L’Isle-Verte se porte mieux avec tous ces journalistes? »

Les médias nationaux ont permis de révéler tout le drame qui s’était joué cette nuit-là dans le petit village bas-laurentien. Ils ont aidé à la cueillette de fond. Des questions devaient être posées et plusieurs les ont posées.

Mais à quelques reprises l’éthique et la morale ont été oubliées. Et ces « débordements » blessent. Mettons-nous à la place de ces gens, frappé au coeur, témoins de cette nuit d'horreur et qui voient cette meute arriver, s'installer et chercher L'HISTOIRE.

Les médias ne sont pas un mal nécessaire... ils sont nécessaires. Tout est dans la façon de faire. Mais il est sans doute plus facile de questionner la petite mairesse que de remettre en question notre propre façon de faire.

  >> Aussi à lire, le billet de Mathieu Charlebois dans l'Actualité : Y a-t-il trop de journalistes à L’Isle-Verte ?

I’m the boss



Ursule Thériault, photo : François Drouin.

La mairesse de L’Isle-Verte, Ursule Thériault, a lancé lundi lors d'un point de presse un « i’m the boss » qui n'est pas passé inaperçu. Un point de presse où seuls les journalistes locaux étaient conviés, mais parmi lesquels on retrouvait tout de même un journaliste de la SRC de Montréal. La déclaration de la mairesse en a choqué plusieurs.

Une déclaration maladroite.

La mairesse voulait rassurer sa population : le conseil municipal est encore souverain. L’Isle-Verte n’est pas contrôlé par la SQ, c’est un travail d’équipe, et la mairesse a son mot à dire. C’est sorti croche, comme on dit. Au royaume de la clip, Mme la mairesse a fait mouche. Deux phrases, deux secondes, mais… deux images réductrices, qui ne sont pas fidèles à son message.

On a retenu la clip, mais ses mots rassembleurs pour son équipe, pour les pompiers, les conseillers, les employés municipaux sont tombés dans les oubliettes. La clip, toujours.

Elle apprend vitesse grand « V » comme elle l’a mentionné en point de presse. Je ne changerais pas de place avec elle.

 

 

commentairesCommentaires

3

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  • F
    Frousse
    temps Il y a 10 ans
    Monsieur Drouin, j'apprécie votre propos. Tout est dans la manière. Il faut certes faire un travail journalistique qui est, comme vous le dites, nécessaire, mais de là à chercher le "human" et à rivaliser avec la télé réalité, il y a une marge. Le journalisme est une profession noble qui doit être assumée comme telle, mais malheureusement, ce ne sont pas tous ceux qui se disent journalistes qui ont cette préoccupation. Et je comprends les contraintes éditoriales qui sont le reflet de la demande, soit ce que la population veut voir. C'est pourquoi Occupation Double est si populaire chez nous... Mais j'ai espoir alors continuez votre merveilleux travail monsieur.
  • PFDD
    petite-fille d'un disparu
    temps Il y a 10 ans
    Vos mots sont justes... Il ne faut pas mettre tous les journalistes dans le même bateau. J'apprécie beaucoup votre professionnalisme et votre compassion.

    Seulement, je n'ai pas apprécié de voir, à la cérémonie de dimanche, des camions satellites devant l'église... Je n'aime pas que la mort de mon grand-père serve à augmenter les cotes d'écoute de divers réseaux d'information. Et que dire des nombreux appels téléphoniques frôlant le harcèlement pour obtenir des photos des disparus dans l'espoir de faire augmenter encore le tirage des journaux? Trop, c'est trop.

    Et M. Harper qui sera présent à la prochaine célébration ne fera qu'augmenter encore le nombre de camions-satellites, qui à mon sens, n'ont rien à faire devant une église, pas plus que les caméras qui seront placées à l'intérieur.
  • P
    Paix
    temps Il y a 10 ans
    C 'est une personne qui a parlé avec son coeur. Vous, les journalistes, c'est votre métier... Est-ce que vous auriez le même recul devant des personnalités publiques? La mort est un sujet émptionnellement violent... Le seul point commun ã tous est qu'un tel drame ne doit pas se reproduire.. Travaillez ensemble sur ce point ...
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