Le suicide tue… les autres aussi
François Drouin
En 1989, nous étions la bande des quatre. Oh, n’allez pas croire que nous nous étions affublés de ce surnom ridicule, non. C’est seulement que nous étions quatre amis. Des chums du secondaire, ceux qu’on croit pour la vie. Immortels. Il y avait J-F, le nerd avec son Tandy-1000 (un ordinateur), Steph, le grand (6’3’’) bollé en maths, Érik, l’artiste et moi, le baveux.
Une sorte de RBO de ti-culs de 16 ans. C’était nous contre le reste du monde et il n’y avait aucun doute sur l’issue de la bataille, la victoire était nôtre. C’était… jusqu’en mars 1989.
En mars cette année-là, Érik s’est tué. On l’a retrouvé pendu dans une grange attenante à sa maison. Il voulait être incinéré dans une poubelle, comme un déchet. Je vous en ai déjà parlé.
…
Ce soir-là, en sautant dans le vide, c’est toute la bande qu’il a poussée dans le vide, ses parents, sa famille, les autres amis aussi.
Érik n’était pas celui qui unissait la bande de chums que nous étions. Mais sa mort, le choc brutal, la douleur et la peine, l’ont disloquée. Pour les trois ti-culs restants, c’était comme sortir d’un accident de la route, en vie, mais fracturés, polytraumatisés, de l’âme et du coeur.
On s’est retrouvé au Cégep, un peu tout croche. En se disant que nous étions maintenant dans le monde des grands. On a eu du fun, mais le spectre d’Érik était toujours là, et à quelque part, nous étions toujours dans le vide.
Le temps de soigner nos plaies, de chercher une réponse, de se retrouver comme individu, il n'y avait plus de quatuor, ni même de trio. Je m’étais sauvé au Cégep de Rivière-du-Loup, Steph était à l’Université Laval et J-F à Thetford Mines. Quelques (trop) rares retrouvailles, un peu gênées, sous le spectre d’un chum manquant.
Avec le temps, nous sommes devenus des amis fantômes. L’amitié est restée, comme un voile translucide, on s’est mis à ne plus la voir. Steph et moi avons repris contact cette année via Facebook. Je n’étais pas à son mariage, il n’est pas le parrain d’un de mes enfants. De quoi s’est-on parlé au début? D’Érik. Parce que nous sommes des survivants.
En ce 10 septembre de la Journée mondiale de prévention du suicide, je vous invite à lire l'excellent texte de Patrick Lagacé. Il a su trouver les mots justes. Prenez le temps de lire. Je vous invite aussi, comme je l’ai fait, à le partager. Non seulement le texte, mais aussi votre histoire avec le suicide.
Brisons le silence.
Parce que mon chum, en te tuant, criss, tu m’as presque tué. Tu m’as fait mal comme personne ne l’avait fait avant. Je t’ai presque haï. Et 25 ans après, comme une vieille fracture un jour de pluie, cette cassure-là, je la sens encore, elle fait encore mal. Mais tu me manqueras, toujours.
Voici les coordonnées du Centre de prévention suicide du KRTB.
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Heures d’ouverture du CPS du KRTB
Du lundi au vendredi de 09h00 à 12h00 et 13h00 à 17h00
Centre prévention suicide du KRTB
35-D rue St-Louis, Casier postale 353,
Rivière-du-Loup, Québec, G5R 3Y9
Téléphone : 418 862-9658
6 commentaires
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Pis oui tu etais baveux.... et pas juste un peu. Moi les math? Bof pas vraiment, tu sais un comptable ca utilise juste les 4 operations de base.
RIP Erik tu vivras toujours dans nos memoires.
PS: Un comptable à Calgary, ça doit pas seulement aimer les maths, mais la neige aussi (il a neigé avant hier chez vous) :P
Claire : En effet, même si au fond, la marque est indélébile. Mais aujourd'hui, le souvenir d'Érik a été autre chose que sa foutue dernière lettre. Son sourire en fait. Ça a fait du bien, oui.
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