227
François Drouin
Le weekend dernier dans le cadre du Défi Everest Mathieu Lavoie-Dion a gravi la côte St-Pierre à 227 reprises. Incluant les descentes, c'est 227 kilomètres et environ 15 000 mètres de dénivelé qu'il s'est farci en moins de 48 heures. C'est aussi, et surtout, un exploit.
Ses 227 remontées, il les a couru de la rue Frontenac à (près de) la rue Laval, pour les marcher de Laval à la rue St-Elzéar, puis courir jusqu'à St-Henri. La descente ? Au pas de course. Rien que ça. Oh si, il a quand même dormi deux heures en tout. Ça semble surhumain, mais Mathieu a un ingrédient secret, un truc, un ingrédient pas secret du tout, qui le "boost" et qui le rend impossible à arrêter : la détermination.
«Je l'avais en tête depuis un mois. Je passais la voir (la côte), je la regardais. J'avais faim», m'a raconté Mathieu mercredi midi. Depuis, les gens qui le reconnaissent l'arrêtent pour le saluer, le féliciter. Il sourit, mais on le sent gêné. Il craint d'occulter les «autres défis». Ceux pour qui 5, 8, 10, ou 100 montées représentent leur Everest.
À peine 72 heures se sont écoulées depuis et Mathieu est déjà parti, quelque part, ailleurs. Il a déjà la tête à la première édition l'Ultra Trail du parc du Bic à la fin octobre. Un «petit» 40 kilomètres avec 1 500 mètres de dénivelé auquel il se promet de participer. Malgré l'énorme stress imposé à son corps, l'athlète se porte à merveille.
«Je vais bien, je n'ai pas mal nulle part, pas de courbature, rien. Mardi, j'ai couru 7 kilomètres histoire de rester actif. Oui j'ai eu mal dans la côte, mais tu fais de belles rencontres, alors tu souffres dans le plaisir.» C'est d'ailleurs ce qu'il retient de ses 227 ascensions, les rencontres.
Au-delà de la fraternité, il y a aussi de longs moments de solitude. À quoi pense-t-on, quand on est sur le tarmac depuis des heures, plombé par la douleur, la fatigue, par l'effort ?
«Je regarde le top, le sommet et je mets un pied en avant de l'autre. Je ne pense à rien d'autre que ça», m'a raconté Mathieu avec cette étincelle dans les yeux. Pas celle de l'homme qui sait, plutôt celle de l'homme qui l'a fait.
Ce que je retiens de Mathieu Lavoie-Dion ? C'est son sourire, sa générosité dans la côte. C'est l'accolade qu'il m'a donnée après ma 13e ou 14e montée. «Je suis fier de toi, bravo, c'est hot ça!» Mathieu en était alors à sa 210e ascension ! Oui, je me remettais d'une solide indigestion de la veille, mais LUI, il venait d'en faire plus de DEUX-CENTS (!!) et c'est de ma santé, de mes montées qu'il se souciait...
Et voilà qu'il se promet d'en faire 300... #respect
Je vous place ici son «recap». Ses mots à lui. À tout seigneur tout honneur, mon ami Mathieu Lavoie-Dion :
Petit retour sur le Macadam 2018…
Plusieurs se sont inquiétés de mon état en me voyant dimanche après-midi (je pense à Annie, qui en avait les larmes aux yeux…), avec raison, j’étais assez épuisé. Mais j’avais encore faim et j’avais encore du plaisir. Pour vous rassurer, je n’ai eu aucune courbature le lendemain, je suis même retourné courir tout à l’heure (mardi). J’ai la chance de récupérer assez rapidement donc il n’y a plus d’inquiétudes à avoir.
227 montées… 227 km, 14 300 m de dénivelé, c’est le fun à mettre sur un CV ça hein ?!
J’ai eu toutes sortes de surnoms depuis dimanche… la bête, la machine, la machine de guerre, monstre, psychopathe, et j’en passe. C’est drôle à entendre parce que je ne me sens pas ‘’machine’’, j’avais très mal en dedans, même si ça ne paraissait pas trop de l’extérieur. Mes jambes ne sont pas faites en adamantium, la seule chose qui explique mon macadam, c’est que j’ai une idée fixe, et je ne laisse rien me barrer la route. Le meilleur truc, comme je me plaisais à dire dimanche, c’est de mettre un pied en avant de l’autre, et de regarder en haut.Pourquoi ? Je me fais demander souvent pourquoi je me suis embarqué là-dedans. Je ne sais jamais quoi répondre. Chacun se cherche et se trouve un pourquoi. De mon côté c’est l’absence de pourquoi qui me nourrit. On se cache quotidiennement derrière la logique de chacune de nos actions, on doit toujours se trouver un morceau de rationnel pour justifier chaque goutte d’effort. On cherche un sens à chaque chose, parce que l’absence de sens fait peur. Pourtant, je crois que l’absence de sens est une évasion complète et totale. C’est ce que je me suis permis de vivre en fin de semaine.
J’emprunte une phrase de mon dernier recap de macadam 2016, qui explique vraiment mon sentiment global de la fin de semaine : ‘’C’est là que je réalise que, le vrai fun là-dedans, c’est d’avoir mal à vouloir crever, mais de se résoudre à continuer […] c’est un sentiment de puissance, de gloire, parce qu’on prend contrôle de notre corps, on se sent en vie.’’ Le macadam ultra, c’est littéralement une purge pour le corps, la tête et l’esprit.
‘’Adieu Macadam Ultra.’’ C’est ce que je pensais pouvoir te dire après t’avoir gravi pendant 48h. Je pensais bien pouvoir m’être débarrassé de toi. Mais tu m’as mis une maudite idée dans la tête pendant que tu t’amusais à me faire tituber comme un gars chaud samedi dans la nuit. 300 ???? Ça se peut-tu ? Ça se fait-tu ? Je ne sais pas, je ne le saurai peut-être jamais. Je vais me poser la question chaque fois que je vais passer devant la côte, en attendant de pouvoir y répondre, lorsque j’aurai assez faim, si j’ai assez faim, un jour peut-être…
MERCI à Éric, Jason, Dany et tous les ULTRA pour votre bonne humeur contagieuse sans laquelle je n’aurais pas eu la même ardeur.
MERCI à Caro, Serge (avec les hallucinations de la fatigue, j’ai presque vu les grandes ailes blanches dans votre dos) et tous les mentors qui ont fait un travail extraordinaire. Caro m’a sauvé la vie samedi matin, à coup de Tim matins bacon et de rouleau pour les mollets et la bandelette. Merci mille fois.
MERCI à Martin, Antoine et Sébastien, d’être venu monter avec moi, de me partager votre sagesse et votre expérience.
MERCI à Serge, Raphaël, Valery, Vanessa, Dominic, Marie-Claude, Chantal, Isabelle, d’être venu représenter le club de boxe le dimanche. Votre sourire, votre bonne humeur et votre dynamisme m’a grandement aidé.
MERCI à mes parents, Gilbert, Josée, d’être venu m’encourager et monter avec moi samedi. Votre support est important pour moi.
MERCI à mes beaux-parents, Luc et Monique, de votre aide précieuse et de votre présence.
MERCI aux nombreux bénévoles qui ont fait un travail incroyable.MERCI à Annie, qui est venue me prêter de son énergie dimanche.
Et finalement, MERCI à ma famille, Marie-Claude, Donovan et Elena. Vous êtes ma force, mon inspiration, ma motivation. Je vous aime profondément.
Marie-Claude Poirier et Mathieu Lavoie-Dion. Photos : Patric Nadeau
Encore une fois, Yvan L'Heureux a réussi lui aussi un exploit. «T'as vu François, les gens se sont approprié la côte. C'est devenu un button ! Ils la montaient en souriant, en parlant, en riant. C'est ça François, dont je suis fier.» Mister L'Heureux, vous avez drôlement raison.
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