X
Rechercher
Nous joindre

Toxique

durée 19 mai 2021 | 15h07
François Drouin
duréeTemps de lecture 6 minutes
Par
François Drouin

Zone rouge et zone grise dans les mesures d’urgence, pas facile de s’y retrouver au Bas-Saint-Laurent ces temps-ci. Les couleurs de l’arc-en-ciel du printemps 2020 sont loin, très loin derrière nous. Zone grise, grise comme la couleur de notre humeur collective, bien loin des couleurs vives de nos couchers de soleil que l’on regarde maintenant derrière les murs du couvre-feu.

Je vais vous faire une confidence, j’en ai ras-le-bol.

Le masque, le lavage des mains, la distanciation, le télétravail, les classes à distance, ce sont des mesures nécessaires en temps de pandémie. Je les comprends. Je les accepte.

Mais le couvre-feu à 20 h? En mai 2021? Non.

Depuis que la santé économique, pardon, publique a instauré le couvre-feu au Bas-Saint-Laurent lors de la 3e vague, le nombre de cas actifs n'a pas diminué, au contraire. C'est même sous ce couvre-feu que le Bas-Saint-Laurent a battu son triste record de nombre de cas actifs et d'hospitalisations.

Ce que l'on sait par contre, c'est que ce couvre-feu étouffe bien plus qu'un masque chirurgical. Il est toxique. Il empoisonne. Combien de marcheurs, de coureurs, de randonneurs, d'amateurs de couchers de soleil sont à risque de propager le virus? Sur quelles données scientifiques se base-t-on pour nous l'imposer? Pourquoi suis-je moins à risque quand je promène mon chien à 22 h que lorsque je marche avec mon fils qui a besoin de se confier à 20 h 45?

Ce même couvre-feu qui empêche un père de famille d'aller se ventiler les esprits à 21 h 30 après une mauvaise journée, après une querelle conjugale, ce couvre-feu qui empêche une femme de s'échapper de la maison, d’échapper à un mari violent ou pour lui permettre à elle aussi de se ventiler les esprits. Et s’il s’agissait de la barrière de trop pour elle(s)?

On nous protège de quoi au juste en nous enfermant entre 5 h et 20 h ? Le virus est plus actif le soir ?

Ce couvre-feu est toxique et pernicieux parce qu'il s’en prend aux plus vulnérables, aux plus fragiles, aux plus anxieux, aux déprimés, aux personnes déjà isolées. L'organisme qui se nomme Direction de santé publique a instauré une mesure qui s'attaque directement à notre santé. C'est un scandale.

Des gens âgés vieillissent, dépérissent et meurent isolés. Des suicidaires se retrouvent coincés dans leur mal-être. Des enfants se regroupent sur Fortnite pour ne pas être coupés de leur monde, de leurs amis. C'est un scandale. Et c'est imposé par la santé publique.

Où était cette même santé publique quand les cas ont explosé chez Viandes duBreton? Son retard à fermer l’usine est assumé par toute une population.  Oh, la santé publique s'est justifiée. Mais la suite a donné raison à ceux qui lui ont reproché son inaction. Le nombre de cas est à la baisse. Une tendance qui s'observe depuis... la fermeture.

Ce couvre-feu est une honte et qu’on envisage le maintenir au-delà du 28 mai doit être dénoncé, haut et fort.

La santé publique fait preuve de tellement d’incohérence, qu’on ne s’y retrouve plus. C’est ce même organisme qui nous a demandé d’accueillir à bras ouverts des motoneigistes de l’extérieur de la région lors de la semaine de relâche alors que les variants débarquaient dans la belle province. Deux mois plus tard à peine, combien de variants avait-on au Bas-Saint-Laurent? 100 % des cas.

Parlez-en aussi aux propriétaires de petits commerces qui ne peuvent accueillir quatre clients, quand on peut s'entasser dans une file à la caisse d'une épicerie, dans une salle de classe, dans une usine?

Que ce soit duBreton ou Aliments Asta, les journalistes ont dû se battre pour obtenir le nombre de cas. Mais cette même Direction de la santé publique nous a rapidement fait comprendre qu’on en demandait trop.

Un exemple? L’origine des cas actifs. On se doute qu'à Rivière-du-Loup, les travailleurs de duBreton et leur famille, victimes collatérales, ont représenté au moins la moitié des cas actifs. On se doute, car nous n’avons pas les chiffres. Le jeudi 13 mai, on dénombrait 85 cas actifs chez les travailleurs sur un total de 185 cas actifs dans la MRC. Ajoutons les conjointes et conjoints, enfants touchés... Combien? On ne le sait pas (!), mais il y en a plusieurs, a répondu le directeur de la santé publique du Bas-Saint-Laurent. On peut donc p r é s u m e r qu’ils représentent au moins 50% des cas. Cette information est pertinente.

Tiennent-ils compte qu’avec une telle éclosion, la population est en droit de s’attendre à des explications? Non.

Le KRTB et plus encore la MRC de Rivière-du-Loup vit sa pire crise depuis le début de la pandémie et on ignore le nombre de cas secondaires liés aux travailleurs de Viandes duBreton et d'Aliments Asta. Expliquez-moi ça s'il-vous-plait. Comment peut-on ignorer cette information (si on l'ignore vraiment)?

Pendant ce temps, toute une région encaisse les répercussions d'un couvre-feu, mais on ne peut pas lui expliquer le nœud du problème.

Que fait la santé publique? Elle menace de sortir le bâton. Le bâton? Le bâton de la répression.

«(...) malgré que nous sommes sous les mesures d’urgence, plusieurs signalements ont été portés à notre attention à la Direction de la santé publique pour nous dire que les mesures ne sont pas très bien respectées dans plusieurs milieux», a souligné le directeur de la santé publique. Du même souffle, il a rappelé qu’il avait la collaboration de la Sûreté du Québec et qu’il solliciterait une plus grande présence des policiers. Selon ses dires, la population doit s’attendre, «si nécessaire» à une hausse de leurs interventions.

La menace du bâton contre qui? Contre vous et moi. Ceux qui ne respectent pas les mesures vont continuer à enfreindre les règles, alors c'est vers vous et moi que la santé publique s'est tournée.

Quel pourcentage de la population ne suit pas les règles? Si l’on se fie aux constats émis, une infime minorité. Qui menace-t-on? La majorité. Un autre non-sens.

Je rêve d'une tablée où l'on retrouverait un industriel venu exposer les enjeux de santé mentale de ses employés, d'un psychiatre sur l'effritement du tissu social, d'un gestionnaire d'un organisme de soutien aux hommes qui viendrait exposer les différents tableaux de la violence familiale, d'une gestionnaire d'un organisme d'aide aux femmes sur les féminicides et la violence à la hausse, sur un organisme d'aide débordé par les tentatives de suicide.

Mais l'industriel restera muet, ce n'est pas son rôle dira-t-il, et puis, s'il devait perdre une subvention... le risque est trop important. Le psychiatre restera silencieux lui aussi, parler serait un désaveu envers les mesures prônées par son employeur. Les gestionnaires d'organismes n'ont plus et depuis longtemps l'oreille attentive des décideurs.

Et les politiques? Mairesses, maires, préfets? Leurs discours sont un peu usés, comme un disque platine qui saute sur la table tournante. Mais faute de mieux, c'est encore vers eux que nous devrons nous tourner. Où est Denis Tardif? Il travaille dans l'ombre me dit-on, mais c'est au grand jour que la population a besoin de lui.

Je rêve d'un mouvement de masse.

Je rêve d'une communauté unie qui ferait entendre sa voix, non pas pour manifester contre les mesures sanitaires justifiées, mais pour le gros bon sens. Non pas pour crier pour l'abolition du masque, des rassemblements intérieurs... mais contre un couvre-feu à 20 h qu'on ne peut scientifiquement et moralement justifier, pour laisser jouer des enfants ensemble dans un parc. Et ne me parlez pas de ce 14 jours de latence une fois passé en zone rouge.

Ça suffit. Laissez-nous marcher le soir dans les rues, contempler un coucher de soleil, faire du vélo en zigzagant entre nos nids-de-poule. Laissez-nous respirer, et parce qu'il le faut encore, même à travers un masque.

+++++

À 17 h 45 mercredi soir, le ministère de la Santé s'est ravisé. Le KRTB sera finalement inclus dans le plan de déconfinement provincial. Excellente nouvelle. Mieux encore, la «gogosse» des 14 jours d'attente ne tient plus. Joie !

Le mot à retenir : T R A N S P A R E N C E.

 

 

 

commentairesCommentaires

7

Pour partager votre opinion vous devez être connecté.

  • S
    Stéphanie
    temps Il y a 3 ans
    J'embarque dans le mouvement de masse! Je suis partante! Il n'y a personne pour nous défendre alors il faut le faire. C'est le temps de nous défendre et d'arrêter d'être des victimes dans cette histoire là! Je suis prête! La situation est ridicule et n'a plus de sens!
  • MCD
    Marie-Claude Desbiens
    temps Il y a 3 ans
    Wow wow wow et merci! Ce sont toutes ces sorties, ces expressions de notre fort sentiment d'injustice qui ont fait bouger les choses. Depuis le début, je pense que les décideurs ont pris pour acquis que : qui ne dit mot consent. Il fallait parler. Merci de le faire de manière aussi articulée et juste. Bonne soirée!
  • SF
    Simon Fournier
    temps Il y a 3 ans
    Merci François
  • PS
    Pierre Sénéchal
    temps Il y a 3 ans
    Ce texte est un phare dans cette sortie de crise.
    Il marque le temps et également questionne de façon lucide et sensible
    la dérive de certaines mesures qui se sont avèré toxiques.

    Et ce questionnement, en démocratie, il faut le faire ...
    Mais pour cela ça prend un minimum de courage.

    Merci François.
  • MGB
    Michel Gagnon-Brière
    temps Il y a 3 ans
    Merci :-) fermeté dans un gant de velours.
  • Y
    Yoann
    temps Il y a 3 ans
    Je viens de voir ce texte... très bien écrit, bravo! Et je suis évidemment d'accord, et plus encore ;)
  • CT
    Claire Tremblay
    temps Il y a 3 ans
    Moi aussi je viens de voir ce texte, en retard oui, mais encore pertinent 2 mois et 1/2 plus tard.
    J'appuie à 100% tout vos propos sur les mesures appliquées durant cette pandémie.
    Quan la Santé publique dit ceci un jour et son contraire la semaine suivante, il y a là matière à questionnements!
    Merci pour cette publication qui rejoint vraiment ce que moi et mon entourage pensons.
AFFICHER PLUSafficher plus AFFICHER MOINSafficher moins
app-store-badge google-play-badge