Et si on se parlait de beauté
François Drouin
Le projet de Medway au centre-ville de Rivière-du-Loup ne fait pas l’unanimité. Trop gros, trop massif, il engendrera son lot de problèmes, notamment avec une circulation disproportionnée pour le secteur. Les arguments des citoyens opposés à la construction sont nombreux et légitimes. Ils sont connus.
Mais si on se parlait de beauté.
Pierre M. Drayaf écrivait à la suite d’un de nos articles, dans l’espace commentaire, que «l'avenir est aux audacieux et non pas au conservatisme capricieux.» Le projet de Medway, tel que je le conçois, n'a rien d'audacieux, c'est une opportunité d'affaires, strictement.
Pour être audacieux, Medway proposerait quelque chose de nouveau. Mais l'entreprise nous arrive avec un design que nous sommes légitimes de croire tout droit sorti de Lasalle à Montréal ou de Sainte-Foy à Québec, c’est du déjà-vu. Un design immense, quelconque, formaté, sans âme, que l'on greffe dans un centre-ville et un quartier qui a pourtant son propre cachet.
Dans leur livre «Et si la beauté rendait heureux», l'architecte de renom Pierre Thibault et François Cardinal de La Presse reviennent sur la force de l’émotion que l'on vit et que l’on ressent devant la beauté. Pensez ici à un paysage à couper le souffle, nos couchers de soleil sur les montagnes de Charlevoix, à cette émotion en arpentant les rues du vieux Québec, ou encore en apercevant un des fabuleux immeubles de Gaudi à Barcelone.
La beauté de notre environnement contribue à notre sentiment de bonheur concluent les deux auteurs. Ils en font une démonstration limpide. Les gens de Medway, malheureusement, n'ont pas lu le livre, ou du moins n’en ont pas tenu compte.
Pendant longtemps, des promoteurs se sont défendus en argüant que le beau coute cher, l'originalité aussi. Manifestement, à la poursuite du profit, ce qui ne rapporte pas a trop souvent été éliminé, tassé.
Bienvenue à Sainte-Foy du Rivière-du-Loup. Un secteur sans âme où l'on développe sans aucune forme de cohérence. Sans aucune forme de beau. Et sans un plan d’urbanisme fort et clair, la Ville se fait complice, c’est sans doute le plus triste de l’histoire.
La densification est un tout autre dossier. Mais tant qu'à densifier, la Ville aurait pu demander à Medway de retourner à sa table à dessin afin que son mastodonte apporte une réelle signature à la Ville, un plus. À ce que je sache, on développe aussi dans les pays scandinaves, mais on le fait en incluant des critères d’intégration. À Copenhague (le billet a été écrit avant la tuerie), réputée pour son histoire et ses châteaux, les promoteurs ont pourtant su développer sans défigurer. Les projets n’en sont pas moins rentables, mais les résidents, eux, en sortent aussi gagnants en habitant une ville où il fait bon et beau vivre.
«Le développement économique» hurlait le maire de la petite bourgade dans le film «La soupe aux choux» pour justifier l’expropriation des deux vieux malcommodes. L’argument n’a pas changé, mais notre connaissance de l’impact de l’environnement sur notre indice du bonheur lui, s’est approfondi. Il ne peut plus être négligé.
Et si vous mettiez un peu de beau à votre projet, Medway. Si vous lui donniez les moyens d’être original et non pas une énième version de vos autres projets. Un projet qui nous arracherait un «wow» plutôt qu’un «c'est bin gros» ? Un projet qui s’établirait comme une véritable signature louperivoise et qui ne nous fera pas baisser les yeux, le rouge au front, dans 15 ou 20 ans.
Et si la Ville de Rivière-du-Loup ne nous donnait pas l’impression d’être un «béni-oui-oui» quand vient le temps d’approuver les projets de promoteurs… la confrontation s’annoncerait peut-être moins comme un dialogue de sourds et plus comme une discussion.
La densité, oui. Oui pour aujourd’hui, demain et pour le futur. Oui pour notre développement collectif et économique. Mais cette densité ne doit pas uniquement répondre aux besoins du promoteur et des commerçants du centre-ville. Un projet comme celui de Medway dépasse les limites de l’économie. Il s’établira comme l’une des plus fortes signatures visuelles de la Ville. Après le mur de l’horreur, pardon, la Maison des ainés, peut-on adopter une signature qui fera, cette fois, honneur à notre ville et à notre centre-ville ?
Comme le rappelle François Cardinal à la page 185 «La grande participation des citoyens dans l’aménagement de la ville contribue aussi à développer le sentiment d’appartenance et d’appropriation». Ça ne s’adresse pas qu’aux parcs d’une ville. Il faut, comme l’espère Pierre Thibault simplifier et rendre accessible le discours urbanistique. Trop souvent, le grand souci de la ligne de communication est de faire avaler la couleuvre. Elle devrait plutôt permettre à la population de s’approprier ces interventions.
Pourquoi ne pas impliquer le citoyen et la ville en présentant différentes versions d'un projet, de son design ? La question n'est pas simple, mais sous prétexte que c'est compliqué, l'immobilisme n'est certainement pas la voie à suivre.
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