L'éloge de la médiocrité
François Drouin
Comme plusieurs d'entre vous, j'ai été surpris (et choqué) d'entendre la cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, déclarer lundi soir avec un enthousiasme malaisant que «(...) les Québécois demandent au PLQ, nous demandent, d’être l’opposition officielle à Québec».
La faute a un discours écrit à l'avance ? Comme ma collègue Andréanne l'a relevé, c'était pratiquement «l'éloge de la médiocrité».
Comment peut-on se réjouir de voir son électorat s'effondrer et se limiter à pratiquement une seule région (si on exclut Pontiac) quand on aspire à diriger une province entière et s'en réjouir. Jamais le vote du PLQ n'a été aussi marginalisé et concentré (voire limité).
ARROGANCE
Avec moins de 15% du vote tout en remportant la loterie d'un mode de scrutin non proportionnel avec 21 députés, Dominique Anglade a refusé de donner son feu vert pour que Québec solidaire et le Parti québécois soient reconnus comme groupes parlementaires. «Nous sommes l'opposition officielle de manière claire», a-t-elle dit sur les ondes de la SRC.
De l'arrogance me dites-vous ? En effet !
C'est endosser un mode de scrutin qui ne sert pas la démocratie, mais les intérêts de son propre parti. De ne pas reconnaitre Québec solidaire et le Parti québécois est une manifestation d'une arrogance qui n'a pas lieu d'être. Le PLQ s'écroule Mme Anglade, on vous a vu danser dans la défaite, nous aurions préféré vous voir vous y élever.
Parlant d'arrogance, François Legault qui, je paraphrase, mais l'idée est là, souligne qu'il va respecter sa promesse de ne pas respecter sa promesse de réviser le mode de scrutin au Québec. On se croirait dans une pièce de théâtre d'Eugène Ionesco.
CONCENTRATION DU VOTE
Sur Facebook, mes amis Sylvain Arbour et Paul Thibault m'ont répondu que «Justin est bien PM de Mtl et Toronto» et que c'est la «Même chose avec Trudeau… enlève Montréal et il n’est pas PM».
Non, ce n'est pas tout à fait la même chose. Tant le PLC et le PCC profitent de certaines concentrations du vote, mais les deux partis ne s'y réduisent pas exclusivement.
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Prenons la dissolution de la Chambre en 2019, avant l'élection du gouvernement minoritaire actuel.
Le Parti libéral du Canada détenait 31 sièges sur 32 dans les maritimes et 40 au Québec. 71 députés pour 5 provinces. Le reste de ses 177 députés, soit 106, se trouvaient en très grande majorité en Ontario et dans une moindre mesure en Colombie-Britannique ainsi que les Territoire du Nord. Quelques grenailles, au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan.
Le Parti conservateur du Canada, lui, a obtenu 95 sièges, obtenant une majorité des sièges en Alberta (28 sur 34) et en Saskatchewan (10 sur 14) et une trentaine de députés en Ontario. Au Québec ? 11. En Colombie-Britannique ? 8. Le PCC a remporté un plus grand nombre de voix, notamment parce que ses majorités dans l'ouest été écrasantes.
Les deux partis profitent donc de certaines concentrations, mais ne se limitent pas à un unique territoire.
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En 2021, les libéraux ont obtenu 158 députés contre 118 pour le PPC. Le PLC a fait le plein en Ontario remportant 76 sièges contre 36 pour le PCC. Les maritimes ont donné au PLC 24 députés sur 32. Le Québec 35 sur 78. L'Alberta et la Saskatchewan ont donné 44 sièges sur 46 au PCC. Ça aussi c'est de la concentration de vote, mais le PCC ne s'y est pas limité (il y a du bleu en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique et au Manitoba. Même chose pour le PLC, qui comme le rappelle Sylvain Arbour, a été aidé par Montréal et Toronto, mais pas que 😉.
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Je reviens au PLQ. Quand Dominique Anglade présente le PLQ comme l'opposition officielle choisie par LES Québécois, elle a tort. Le PLQ est l'opposition officielle choisie par DES Québécois d'une seule et même région. Affirmer que le PLQ «(...) est l'opposition officielle de manière claire», c'est se fourrer la tête profondément dans le nombril (pour rester courtois).
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