Quand la jeunesse s’exprime
François Drouin
J’aime quand la jeunesse s’exprime, quand elle se fait entendre, quand elle manifeste ses aspirations. Je la sens décomplexée, cette belle jeunesse et c’est rafraichissant.
Je ne partage pas toujours son point de vue et ce n’est pas tellement important, pour moi. Je refuse d’être ce vieux quinquagénaire (oui, je suis vieux à ce point) qui renâcle ses frustrations «Oui, mais dans mon temps…», ce chnoque au doigt vindicatif plein de reproches qui pointe tout ce qu’il n’aime pas, ce qu’il considère comme fautif et qu’il SE doit de dénoncer.
Je refuse d’être «pépère, la virgule», dirait Foglia.
J’ai toujours redouté vieillir en homme aigri. D’être ce concentré de frustrations qui marmonne en replaçant les napperons croches sur une table de cantine.
Heureusement, mes enfants, deux merveilleux adolescents, me gardent (l’esprit) jeune. J’aime les entendre discuter avec leurs amis, découvrir leurs codes, ce qui façonne leur univers. Décoder leur langage, aussi. «J’suis down»… Il m’a fallu chercher pour la comprendre celle-là.
Le français chez les jeunes. Êtes-vous down ? Oui ? Non ?
Je vous propose cette lettre ouverte de Mirabelle Leins publiée dans La Presse.
Ce qui m’enthousiasme, c’est la plume de cette lectrice, sa pensée articulée, son français maitrisé. Cette liberté d'esprit. Je n’ai même pas à être d’accord.
Mais je le suis sur certains points. La publicité du gouvernement du Québec rate sa cible. Elle la rate sur plusieurs aspects, notamment par la caricature. C'est sans doute plus facile de caricaturer que de s'attaquer aux problèmes de littératie.
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Ma fille peut déclamer les paroles de la chanson «Force Océane» d'Émile Proulx-Cloutier d'un trait. Elle peut vous résumer de nombreux livres d'auteurs et d'autrices du Québec. Mais elle n'a aucune idée comment syntoniser TVA sur une des deux télés de la maison. Netflix, Disney+, Amazon Prime, les yeux fermés, oui. Qui est Gino Chouinard ? Elle n'en a aucune idée. Ça ne lui parle pas. Idem pour la publicité du gouvernement du Québec.
La télé n'est pas le diffuseur principal de leur culture. C'est à nous de nous adapter, pas à eux.
Je parle un français aux accents de Montréal, où je suis né. Il suffit de m'entendre dire «arrête, baleine ou lacet» pour le réaliser. Il fut un temps, les accents si distinctifs entre ceux du Lac, de la Beauce, de la Gaspésie et de la métropole étaient à proscrire. Un français uniformisé, formaté… mais pour qui ? Ces patois, ces mots vieux et passéistes, ces accents particuliers sont des pépites. Ils sont aussi une indication que le français est une langue riche, complexe et surtout, une langue qui est en constante évolution. Le français ne doit pas se figer. Oui, la langue de Desautels, mais lui-même a su la faire évoluer au fil du temps.
Je suis de la langue de Tremblay et de ses belles-sœurs, celle aussi de la Petite Patrie de Claude Jasmin. Mais je suis aussi celle de Baudelaire, de Balzac, comme de Biron, de Falardeau et de Proulx-Cloutier.
Adolescents, mon cousin Christian et moi pouvions tenir une conversation majoritairement composée de «ah ben», de «mets-en» et de «full». Aujourd’hui, je suis le même gars qui se fait reprocher le mot «délétère» pour décrire le climat de travail néfaste à l’usine F.F. Soucy, car trop compliqué.
Mes enfants ne se reconnaissent pas dans ce type de capsules «humoristiques». «Les vieux parlent comme ça», m’a lancé pince sans-rire ma belle ado de 17 ans en visionnant une capsule sur l’anglicisme frencher. Comme quoi ce n’est pas la plateforme qui rejoint les jeunes, mais le discours. C’est à nous de nous adapter, pas à eux.
Ado, vous réagissiez comment devant une caricature superficielle, une attitude moralisatrice ? Voilà.
Cette appropriation de la langue par cette belle jeunesse m’apparait bien plus comme un passage qui évolue selon les générations et non une finalité. Nous avons emprunté au métal et au rap des années 80 et 90 des expressions qui n'ont pas résisté au temps. Un peu comme le joual du frère Untel.
Et s’il faut insérer quelques anglicismes pour leur donner envie de parler français, pourquoi pas. Plusieurs des youtubeurs anglophones que je suis sur YouTube insèrent des expressions françaises. J'adore ! L’anglais n’est pas en déclin me direz-vous. Effectivement. Mais ce n’est pas avec une langue sèche que vous donnerez aux jeunes cette envie de... frencher avec la langue.
Alors, le français parlé des héritiers et de Mirabelle Leins? Oui ? Non ? Oui, j’suis down.
2 commentaires
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Ce n'est pas le français qui est en déclin, c'est la considération que ce gouvernement devrait porter à la jeunesse Québécoise qui l'est.