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Quand tu rates l'occasion de te taire (pour réfléchir et écouter)

durée 20 avril 2023 | 12h01
François Drouin
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
François Drouin

À l'adolescence, mon père avait une phrase toute prête pour me recadrer quand j'émettais une réflexion qui manquait cruellement de pertinence.

«T'as manqué l'occasion de te taire !»

Paf ! Comme une claque en arrière de la tête. Comment me faire sentir idiot, sans me traiter d'idiot.

Il y a une variante que j'aime bien aussi et que j'utilise à l'occasion : «Il vaut mieux se taire et avoir l'air idiot, que parler et le confirmer».

Catherine Fournier et la culture du viol

Ces deux phrases auraient toutes deux pu s'appliquer à certains animateurs de radio, dont deux au Saguenay, qui se sont prononcés sur l'histoire de l'agression sexuelle de Catherine Fournier commise par Harold Lebel.

Près de nous, il y a CFYX, station radio de Rimouski. La co-animatrice, Monika Bourgeois, s'est mise dans l'eau chaude mercredi. Je ne vous ferai pas la retranscription de ses propos, je l'ai fait, mais ça n'en vaut pas le partage.

Mais voici deux liens pour les entendre dans toute leur splendeur. Je vous rappelle que ces propos ont été émis en onde le 19 avril 2023, pas en 1984.

1er extrait

Dès 6:28, la table est mise.

-> https://www.grouperadiosimard.com/podcast/CFYX.Wed.0915.mp3?1681996758

2e extrait

-> https://www.grouperadiosimard.com/podcast/CFYX.Wed.0930.mp3?1681996758

À 0:55, les lignes sont ouvertes et vont se succéder deux auditrices qui partagent les propos de l'animatrice et vont même plus loin.

Voilà, nous y sommes les deux pieds dedans et en pleine radio, dans la culture du viol. Cet ensemble de comportements qui banalisent, excusent et justifient les agressions sexuelles, ou les transforment en plaisanteries et divertissements. Pointer la responsabilité de la victime dans son agression sexuelle c'est précisément cela, la culture du viol.

Le Conseil du statut de la femme ajoute que : «Le corps des femmes y est considéré comme un objet destiné à assouvir les besoins des hommes. Les commentaires sexistes abondent et ils créent un climat confortable pour les agresseurs. Dans une telle culture, la responsabilité de l’agression repose sur la victime, dont la parole est remise en cause

Revenons donc à l'émission matinale de CFYX, qui accueille maintenant en onde le préfet de la MRC de La Mitis, Bruno Paradis.

-> https://www.grouperadiosimard.com/podcast/CFYX.Wed.0930.mp3?1681996758

Avancez à 11:14, pour entendre M. Paradis recadrer sévèrement les deux animateurs.

Pertinent, intelligent, réfléchi.

Bruno Paradis :

«Au début je voulais l'aborder d'une façon assez soft, mais ce que je viens d'entendre excusez, mais c'est n'importe quoi ! Tu m’excuseras Monika, mais ce qui est sorti de ta bouche, c’est n’importe quoi.

L’histoire des douches puis des œillères là, c’est assez. Moi là, c'est quelque chose qui me touche personnellement. J’en ai eu autour de moi pis c’est une donnée statistique, pas "ah moi je pense que ce qui me serait arrivé serait différent". Dans la vraie vie, c'est statistiquement la très, très, très grande majorité des gens [qui] gèlent OK !? C'est pas comme une vue de l'esprit, c'est la réalité statistique.

Deuxièmement, c'est majoritairement quelqu'un de confiance, donc pourquoi on est rendu chez eux ? Parce que justement, il nous a apporté chez eux. Des fois c'est un cousin, c'est un ami, c'est un parent proche, c'est ça qui arrive. C'est quelqu’un de confiance. Souvent, très souvent quelqu’un [qui a un] rôle d'autorité sur la personne.

Faque que c'est pas pour rien que ça se passe de même, c'est des gens [qui] mettent ça en place. Lâchez-moi le "je pense que je l'aurais fait différemment" ce que j'ai entendu depuis tantôt à la radio, c'est du gros n'importe quoi !

Dans la vraie vie c'est pas même ça se passe. Un moment donné il va falloir arrêter que les victimes soient comme… c'est rendu que les victimes soient comme coupable d’avoir fait quelque chose, mais voyons ! C'est le monde à l'envers ! C'est pas compliqué là, moi je l'enseigne à mes garçons : il faut du consentement, clair, point barre !

C'est un peu comme l'analogie du thé que certains ont déjà vu. Si je te propose du thé et que tu me dis non, c'est non. Si je te propose du thé et que tu me dis oui ben j'ai le droit après quand la tasse de thé arrive de finalement [dire] j’en prendrai pas. Je suis pas obligé de la boire parce que j'ai dit oui tantôt. Et si je dors là, c’est pas vrai que tu vas me mettre du thé dans la bouche même si j’en veux pas.

Un moment donné, va falloir qu’on vire ça à l’envers, parce que moi ce que j'entends depuis tantôt là, ça me lève le cœur, scusez là, mais…»

Tout est dit, M. Paradis. Merci.

***

Ajout : Mme Bourgeois a présenté des excuses jeudi midi. -> https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1973048/cfyx-catherine-fournier-victimes-agressions-sexuelles-rimouski-harold-lebel

 

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