Intraitable
Pierre Sénéchal
Donnez-moi une seule raison de ne pas aimer Alex Belzile ? Pour l’amateur de hockey, ce nom est familier, mais pour la population en général, un peu moins. Pour la petite histoire, Alex Belzile est un athlète natif du Bas-Saint-Laurent (St-Éloi plus précisément) qui par un parcours des plus atypique est en train de se faire une place dans la Ligue nationale de hockey, avec le mythique Canadien, à l’âge de 31 ans. Ça, c’est le genre d’histoire qui n’arrive jamais.
Irrésistible.
Le Canadien vit actuellement une saison catastrophique : le club est médiocre, décimé par les blessures et soumis aux rigueurs d’une douloureuse reconstruction qui va assurément durer quelques années et exiger des partisans de l’humilité et de la patience, deux qualités qui ne sont pas nécessairement très compatibles avec le monde du sport professionnel.
Cependant, l’arrivée soudaine et improbable d’Alex Belzile en renfort semble avoir eu un effet inespéré. Grappillant les secondes de jeu à force de volonté et d’effort, Belzile est en train de se bricoler, contre toute attente, une place régulière avec le Canadien. Il est inspirant, déterminé, souriant. De plus, il accumule les points. Comment ne pas aimer Alex Belzile ?
Le job de réserviste dans le sport professionnel est d’une grande ingratitude. Il positionne l’athlète affamé à la porte d’un immense buffet à regarder les réguliers s’empiffrer sans qu’il n’ait le droit de se servir même s’il a la certitude qu’il est probablement meilleur que la moitié d’entre eux. Belzile est actuellement à table avec les autres et offre des performances inspirées avec des miettes de temps de jeu. Sa production offensive est supérieure à des touristes millionnaires comme Dvorak, Hoffman, Armia etc. Comment ne pas aimer Alex Belzile ?
Impayable
En fait, Belzile est un joueur complètement atypique, et ce depuis le début de sa carrière. On ne lui a jamais garanti une place au buffet et il a toujours réussi à se trouver non seulement une invitation, mais un abonnement. Du junior à la ECHL en passant par la ligue américaine où il est devenu le capitaine du Rocket de Laval, Belzile détonne par son intelligence, sa bonne humeur et son leadership. Ce gars-là c’est bien plus qu’un joueur de hockey, avouons-le. Comment ne pas aimer Alex Belzile ?
Depuis son arrivé avec le Canadien, ses quelques interventions médiatiques et commentaires de vestiaire ont clairement relevé le niveau de langage et de réflexion. Belzile est brillant, articulé, lucide et franchement sympathique. Et c’est exactement la même chose sur la glace, sur le banc où on le voit interagir positivement avec ses coéquipiers. Habituellement, les réservistes qui se comportent ainsi inspirent le mépris et la dérision. Dans le cas de Belzile, c’est le respect et l’engagement qu’il impose … même à 31 ans avec moins de 25 matchs d’expérience dans la NHL, les coéquipiers l’écoutent. Comment ne pas être admiratif devant Alex Belzile ?
Revenant
Belzile a souvent été ralenti par les blessures au cours de sa carrière. Une déchirure du muscle pectoral subit il y a quelques années lui a probablement couté une audition avec le grand club retardant ainsi son entrée dans la ligue nationale. Actuellement, la culture toxique qui empoisonne l’univers du hockey est exposée au grand jour et commande des changements immédiats et radicaux. L’histoire d’Alex Belzile est pour moi un antidote parfait pour enfin tourner la page sur des années d’abus, de barbarie et d’omerta. Le hockey a besoin d’oxygène, de modèle de persévérance, d’athlètes intelligents et articulés et surtout d’un réel leadership. L’Histoire d’Alex Belzile c’est un peu ça : Briser le moule, survire à l’univers toxique du hockey, persévérer et par volonté, effort et résilience, atteindre son but ultime, la ligue nationale. Impossible de ne pas aimer Alex Belzile.
Au tout début je vous demandais de me donner une seule raison de ne pas aimer Alex Belzile, une tâche pratiquement impossible. Et bien, la seule raison qui pourrait me faire gentiment détester Alex Belzile une fraction de seconde c’est qu’il est tellement bon actuellement que ça risque de nous faire perdre toute chance de repêcher Connor Bédard.