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ExA$pér@t10n5

durée 8 mai 2023 | 10h11
Pierre Sénéchal
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
Pierre Sénéchal

Y a de ces trucs, en apparence inoffensifs, qui peuvent se glisser directement dans l’angle mort d’une journée bien ordinaire et te saper la bonne humeur du moment d’une claque. Avec grande brutalité. Tsé, rien de bien grave, rien de tragique ou de définitif, juste le genre de microagressions inutiles qui m’usent bien plus qu’elles ne le devraient, conséquences inéluctables de la chute de production drastique de ma manufacture de tolérance aux niaiseries quotidiennes.

Bien sûr, on ne parle pas ici de véritables problèmes, juste des trucs (tsé ben) qui me remettent en pleine face mon obsolescence face à toutes les petites choses en apparence insignifiantes qui ne cessent de s’accumuler dans mon quotidien, dans mon travail, mes loisirs et surtout dans mon cerveau en proie à la rêvasserie et la distraction chronique.

Sésame

Sympathique condiment, mais aussi formule magique qui ouvre les portes de la cache aux trésors de ces 40 voleurs, fourbes et ingénieux, qui avaient compris bien avant tout le monde que l’humanité finirait inévitablement par se prosterner en esclaves devant le dicta implacable des MOTS DE PASSE. Depuis quelques semaines, le resserrement des mécanismes de sécurité numérique et la multiplication des applications (même les plus banales) nécessitant des mots de passe me sidère. Handicapé technologique notoire, cette nouvelle réalité me plombe et m’oblige à des contorsions et des compromis sans nom, tendant à m’éloigner du papier-crayon et de l’humanité qu’ils me confèrent.

Cage

La tyrannie des mots de passe n’a jamais été aussi présente et oppressante. Pour les accès nécessaires au travail, à la gestion des affaires courantes, de la vie personnelle, des loisirs et j’en passe. On finit toujours par se casser les dents sur une obligation de produire un satané mot de passe, suivez-moi bien, assortie de quelques tergiversions qui confirment ma mise à mort technologique. Ça prend 12 lettres, une majuscule, deux chiffres, un symbole… oups ce mot de passe n’est pas assez sécuritaire. On va vous envoyer un code sur votre adresse courriel. Non pas celle-là, elle a déjà été utilisée. On vous envoie un autre code à 6 chiffres sur votre cellulaire… euhhhh, je fais partie du 7 % qui n’a pas de cellulaire… Je suis pris dans une cage virtuelle, une maison de fous et je n’ai pas le mot de passe pour en sortir. Un véritable Guantanamo Bay virtuel.

Fou

Certes, je ne suis pas naïf et je comprends parfaitement l’importance de la mise en place de systèmes de protection numérique efficaces et complexes pour protéger le public, les organismes et institutions, publiques ou privés… mais, simplement dit, ce monde est de moins en moins confortable pour moi. Ma vie est simple, comblée par une partenaire de vie fabuleuse, trois enfantastiques qui remplissent ma vie de poésie, d’incertitudes et de joie. J’accueille les journées une à la fois et elles s’improvisent sans limites, me rappelant étrangement la musique de Thelenious Monk, une parfaite imperfection au gré des joies, des souffrances et de la résilience qui s’entremêlent là ou même la dissonance prend tout son sens.

Parce que dans ma tête, les idées fleurissent, les idées prennent racine, et bien sûr, nul besoin de mots de passe. La seule tragédie qui me guette, c’est l’oubli.

 

 

 

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