Irréfragable
Pierre Sénéchal
Il y a quelques années, j’ai rédigé un texte pour le compte de la Rumeur du Loup intitulé «Maison, douce maison», traduction libre de Home sweet home. En lien avec le thème de l’autoconstruction, je posais une réflexion personnelle sur le concept de maison, ce refuge ultime qui offre un habitat sain, sécuritaire et stimulant.
Le lieu de tout les possibles qui permet de s’y épanouir, de fonder une famille, de répondre à la plupart de nos besoins et même, le cas échéant, d’y vieillir et d’y mourir en paix. Parce que moi j’ai eu cette chance inouïe de vivre dans une maison avec les gens que j’aime, ma famille, loin des tracas et des intempéries… et actuellement, je redoute grandement de faire partie de la dernière génération au Québec à avoir eu l’accès libre et raisonné à la propriété. Si tel est le cas, redoutez une crise sociale sans précédent qui risque d’entrainer de profonds bouleversements et des changements de paradigmes brutaux.
MAISON
La génération de nos enfants est actuellement plongée dans une situation totalement cauchemardesque, une pure aberration, celle de ne pas pouvoir se procurer une maison… au moment même ou il y a pénurie de loyer, surenchère et explosion du cout de la vie. Avoir accès à un logis et ultimement de se procurer une maison devrait être un droit acquis dans un pays riche comme le nôtre. Cette revendication c’est la guerre à laquelle je vais participer pour les quelques années de colère et de militantisme qu’il me reste. Pas question de balancer une génération complète à la rue. Pas question de les voir s’arracher des loyers miteux, désuets et trop dispendieux. Pas question de les voir acheter des bungalows négligés plus d’un demi-million l’unité. Nous ne sommes pas tous des millionnaires chasseurs de faisans de fantaisie icitte. Un peu de décence pour notre descendance et surtout, un peu de considération pour la nouvelle génération, brillante, engagée et lumineuse qui s’apprête à prendre sa juste place dans notre société.
CHARPENTE
En 1943, le psychologue Abraham Maslow propose dans son ouvrage «A theorie of human motivation» son célèbre modèle de la pyramide qui hiérarchise les besoins fondamentaux de l’humain en lien avec les motivations qui s’y rattachent, de la base jusqu'à l’accomplissement complet de soi. Une image forte parce qu’au fond qu’est-ce qu’une pyramide sinon une sorte de maison ? Pour s’épanouir et vivre en harmonie, l’humain a besoin d’un refuge, d’un lieu où il peut vivre avec sa famille, ou il peut se reposer, se ressourcer. Voilà la charpente de son existence. Pour moi le droit d’accéder à la propriété c’est irréfragable, point.
Le poète François Malherbe disait «à l’ombre du figuier, près du courant de l’onde, je bâtirai pour eux un nid parmi le monde».
Vivement cette bataille pour permettre d’urgence à la prochaine génération de trouver maison, de se poser dans un nid et d’y fonder famille, de vivre à l’abri des tourments et du chaos extérieur, ce triste leg d’une planète qui se meurt, résultat de notre insouciance crasse. Vivement aussi l’espoir de voir nos gouvernements proposer des solutions réalistes pour permettre l’accès à la propriété pour une première maison de façon socio et écoresponsable. L’urgence elle est là et j’aimerais bien dire qu’il y a feu en la demeure, mais actuellement, il n’y a même pas de demeure…
P-S Je vous invite à joindre le mouvement MaisonEnDeuil, en réponse à l’actuelle crise du logement, l’initiative D’Élisabeth Labelle qui veut sensibiliser les élus et la population, initier une réflexion et trouver des solutions réalistes.
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