Alibi
Pierre Sénéchal
Enfant, à l’époque où il n’y avait qu’un seul poste de télé, je me rappelle vaguement avoir visionné un film bien intrigant, un film d’adulte ou le personnage principal était désespérément en quête d’un alibi. Empêtré dans une histoire sordide et accusé de crimes dont il n’était nullement responsable, l’homme n’avait de cesse de se chercher une façon de s’extirper de ce cauchemar, la seule solution possible étant qu’il devait se trouver un alibi en béton. Complètement absorbé par ce récit et le drame qui se jouait devant moi, j’ignorais par contre complètement la véritable signification du mot alibi.
Costume
Par contre s’il n’y avait qu’une seule chose à comprendre c’est qu’un foutu alibi, ça permet de se mettre complètement à l’abri de la justice. Au fil du récit, j’en avais finalement conclu qu’un alibi c’était une sorte de costume, veston-cravate, qui permettait à un homme plutôt louche de devenir soudainement crédible. La scène finale du film permettait d’ailleurs d’en conclure ainsi. Notre homme sans le sou, à qui son avocat avait trouvé un costard dans une brocante, fit face à la justice pour finalement s’en sortir indemne, en homme libre. N’en fallait pas plus pour faire germer en moi cette idée que les gens qui sévissent en vestons-cravates sont beaucoup plus imperméables à la justice que le commun des mortels.
Absent
La COP 28 s’achève ces jours ci avec un étonnant consensus qui fait le bonheur des écologistes politiques et des magnats du pétrole, tous convaincu d’avoir fait ce qu’il faut pour réduire notre dépendance au pétrole, stimuler les initiatives en matière d’énergie verte et au final prétendre avoir tout mis en œuvre pour ‘’sauver la planète’’. Les 80 000 délégués qui ont voyagé en avion pour s’entasser inutilement à fucking Dubai pendant deux semaines se sont donné un spectaculaire alibi. Veston-cravate, champagne à la main, en proie aux excès les plus délirants, ils pourront affirmer sans broncher qu’eux, ils étaient là et qu’ils ont tout fait pour nous sauver les fesses d’une apocalypse climatique. Et quand la mer avalera terre et montagne, que les feux bruleront les verdoyantes vallées et les derniers arbres, que l’air deviendra irrespirable, je serai comme vous tous complètement dévoré par l’éco anxiété et la culpabilité à me dire que j’ai été le pire des lâches et que je n’en ai pas fait assez pour léguer cette terre en bonne et dût forme aux futures générations. Je vais plaider coupable et je n’ai aucun alibi à présenter … et non, je n’enfilerai pas un costume pour prétendre en avoir un.
N.B
Ce dimanche 17 décembre, je vais avoir un solide alibi si jamais quelqu’un avait l’audace de me reprocher quoi que ce soit. Je vais, d’un pas dégourdi, me précipiter à la maison de la culture dès 18 h 30 pour assister au lancement du magnifique album d’Olivier Martin intitulé Coup de barre. Mon ami François Drouin l’avait porté à mon oreille et les mots et la musique d’Olivier se sont sans effort déposés sur mon cœur. C’est un album gigantesque qui nous parle de fragilité, de douceur et de courage. Il y a beaucoup d’amour et de justesse dans chaque chanson, démonstration de la sensibilité hors norme et du talent d’Olivier. Un jour je vais vous entretenir de ce qu’il est convenu d’appeler le SON Rivière-du-Loup. Articulés autour des généreux et talentueux musiciens du SONAR, Mathieu, Bastien, Olivier et plusieurs autres ont réellement réussi à engendrer une véritable signature musicale, distinctive et incarnée. Ce dimanche, supporté par ses complices de longue date, Olivier Martin va nous offrir son album en prestation et pour rien au monde je ne vais manquer ça.
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