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Échiquiers

durée 7 mars 2024 | 15h59
Pierre Sénéchal
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
Pierre Sénéchal


Petit matin tranquille de février, un séisme secoue la politique municipale au Québec : La mairesse de Gatineau France Bélisle annonce sa démission avec fracas, écœurée et meurtrie, continuellement la cible d’attaques personnelles, d’insultes et de menace de mort. Un climat pourri qui rend de plus en plus impraticable le noble sentier de son implication politique. Mme Bélisle affirme haut et fort qu’œuvrer au sein d’un conseil de ville au Québec est devenu humainement impossible. Elle renonce donc à ce poste pour préserver sa santé physique et mentale. Une posture honorable d’un point de vue humain, éthique et moral.

Population

 Le désir de servir en politique est noble, mais force est d’admettre qu’une partie de la population n’est pas «servable» et je pèse mes mots. Certains citoyens abusent largement de leur capacité à s’exprimer dans l’incivilité et la haine, amplifiées par l’anonymat (ou pas) des médias sociaux, ciblant certains élus qu’ils prennent en grippe rendant l’administration de nos villes et villages impossibles.

Politique

Symptomatiques de cette folie populaire, nous devons trop souvent composer avec des politiciens de fortune (ou de carrières) qui se nourrissent allègrement d’énergie négative comme carburant propulsant leurs carrières et nourrissant leurs égos démesurés. De fait, ces sociopathes fonctionnels investissent les lieux de pouvoir sans aucun scrupule au service de leurs bas instincts, mais surtout, de leurs réseaux de contacts, complètement insensibles aux critiques. Une toxicité ambiante qui plomberait n’importe quel individu normal.

C’est donc sans surprise que Maxime Pedneaud-Jobin, ex-maire de Gatineau, nouvellement chroniqueur à la presse, s’est empressé de commenter le départ de Mme Bélisle en partageant ses impressions à l’effet que sa successeur «n’avait pas l’air d’aimer son travail». Rappel doux-amer que l’on ne brise pas l’ambiance d’un boy club de pacotille aussi facilement et que, sur l’échiquier municipal, les tours et les cavaliers ont cédé toute la place aux pions et surtout aux fous qui dans leur sale besogne auront réussi à pousser la reine à Gatineau hors de l’échiquier. Ces mêmes forces qui s’emploient un peu partout au Québec à maintenir une vieille culture de petite politique cheap.

Médias

Le départ de France Bélisle aura monopolisé l’attention médiatique québécoise et pas toujours de la manière la plus élégante. En pâture aux grossiers panélistes de la joute (LCN), le pathétique Luc Lavoie, affichant sa mauvaise foi légendaire, affirmait que « selon ses sources » Mme Bélisle faisait bien plus partie du problème que de la solution, reconnue pour contribuer elle aussi au climat toxique qu’elle dénonçait. C’était franchement charmant de confier l’analyse de cette épouvantable déconfiture municipale à des gérants d’estrade comme Luc Lavoie et Gaétan Barrette qui auront marqué la politique québécoise par leur incivilité et leur capacité hors norme à intimider et démolir un peu tout le monde, tous azimuts.

Dindons

À peine remis des ennuis de santé de Valérie Plante, de la démission de France Bélisle et du cri du cœur de Catherine Fournier demandant d’ouvrir de toute urgence une réflexion sur la toxicité ambiante qui règne en politique municipale au Québec, l’actualité, cruelle comme jamais, nous plonge dans le psychodrame du dindon sauvage en Mauricie. Une saga tristement burlesque mettant en scène le maire de Louiseville, Yvon Deshaies, qui affiche le courage d’un écureuil et la vision d’un escargot. Sa solution ? Que ses citoyens s’arment de bâtons de Baseball et partent à la chasse ouverte contre le dangereux dindon qui sème la terreur dans sa ville. Cet énergumène ne démissionnera jamais de son poste lui, pas plus qu’il ne doutera de son importance, complètement dénuée de capacité d’introspection, imperméable à la critique. Pendant ce temps, ailleurs au Québec, les conseils de villes sont désertés par des gens de grande qualité, incapable de vivre dans la sottise, la médiocrité et la haine ambiantes.

J’ai longtemps cru que la politique municipale puisait sa force dans la proximité et la confiance mutuelle qui liaient l’élu avec la population. De même, je croyais que la joute politique tirait son essence du jeu d’échecs ou la stratégie, l’intelligence et la perspicacité faisait foi de tout au gré des confrontations et des échanges féconds entre les pions, les cavaliers, les tours et la royauté. Tristement j’étais bien loin de me douter que les fous étaient maintenant devenus roi et que la noble joute d’échec que j’imaginais n’était rien d’autre qu’une chasse au dindon sauvage à coup de batte de baseball.

 

 

 

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