Élusion
Pierre Sénéchal
La semaine dernière le Québec politique s’était mis sur son 36 vêtu de ses plus beaux apparats pour accueillir avec grande distinction le flambant neuf premier ministre français Gabriel Attal. Une véritable éclipse qui aura laissé toute la classe politique québécoise béate d’admiration, notre premier ministre plus que les autres, devant ce sympathique jeunot plutôt gentil et habile communicateur.
Visite
À l’évidence Gabriel Attal s’est probablement senti plus que bienvenu lors de son court séjour au Québec. L’enthousiasme et l’admiration que suscitent les visites de dignitaires français ne datent pas d’hier et l’influence qu’elles ont sur nos politiciens est troublante c’est le moins qu’on puisse dire. Tellement que la plupart des médias ont qualifié le passage de Monsieur Attal de sans-faute diplomatique comme il s’en fait peu. On ne parle pas non plus d’une visite discrète et sans saveur, car à l’évidence le premier ministre français s’est prononcé sur plusieurs sujets avec une certaine audace. Mais bon, fier détenteur d’une carte de visite chouchou au Québec, je plains celui qui aurait osé remettre en question les propos de notre distingué visiteur.
Menu
La semaine dernière, le Québec aura vécu d’une certaine façon deux éclipses totales, celle de la bella luna qui s’est majestueusement glissée entre la terre et l’immense radiateur soleil faisant écran un court instant pour nous offrir une expérience astrophysique et humaine unique. Et il y aura eu l’éclipse totale de Gabriel Attal en contrôle parfait du narratif politique québécois pour un bref instant avec les thèmes récurrents de la langue, de l’identité, de la culture et de la trop générique non-ingérence non-indifférence qui ne manque pas, chaque fois, de faire frémir de bonheur bon nombre de nationalistes convaincus … et un brin nostalgiques.
Écrans
Bon, ce vibrant appel à l’autodétermination de la part de la France me laisse depuis toujours assez indifférent, et ce pour des raisons qu’il serait inutile d’énumérer ici. En revanche, l’opinion de Gabriel Attal au sujet de la place grandissante des écrans dans la vie des enfants en bas âge m’a fortement interpelé. Au gré d’une visite téléguidée dans une école flambant neuve de la Capitale Nationale, Attal s’est ouvertement inquiété de la présence et de la place grandissante des écrans dans la vie des tout petits qualifiant la situation de ‘’possible catastrophe sanitaire qui est droit devant nous’’ sous le regard béat de François Legault et de son ministre de l’éducation Bernard Drainville.
Dès 2018, la France a été l’un des premiers pays au monde à limiter et interdire le cellulaire en classe dans les collèges. Les études sont unanimes à documenter les effets négatifs des écrans sur le développement global de l’enfant et la France n’a pas hésité le restreindre à l’école et sensibiliser les parents aux dangers réels de la surexposition de leurs enfants aux écrans. Il invitait par le fait même la classe politique québécoise à réfléchir et se mobiliser en ce sens.
L’influence négative des écrans sur le développement des jeunes enfants est maintenant bien documentée et les effets sont tristement observables depuis quelques années. Pourtant, le sujet est éludé par la classe politique, les parents, la population en général, tout bien pendu à l’écran de leur téléphone, absorbé par le vide numérique dans un abysse de pixel, d’images et de fausses nouvelles. Comme bien des gens, je m’inquiète aussi de la prodigieuse et terrifiante évolution de l’intelligence artificielle, mais encore bien plus du fait que la plupart des gens sont totalement confondus par cette appellation. Ce phénomène de consolidation de données et de plagiat n’a pour moi absolument rien d’intelligent bien au contraire mimant la multiplication cellulaire tel le cancer. Et l’humanité, fidèle à elle-même se plonge dans la plus totale élusion.
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.