49 nuances de gris
Samuel Saint-Denis-Lisée
Je m'excuse d'ores et déjà aux lectrices (et lecteurs) qui espéraient, avec un tel titre, que j'allais parler dans ce texte de l'œuvre (discutable) de E. L. James. Ce titre était un (in)volontaire clickbait. J'avais plutôt l'intention d'aborder les inévitables nuances de gris de tout débat, de tout événement, de (presque) tout fait. Rien n'est tout noir ou tout blanc.
L'incident diplomatique du 22 septembre dernier au parlement canadien1 a provoqué moult débats2 et contrecoups. Rapidement, ceux qui voulaient la démission de Justin Trudeau, ceux qui voulaient critiquer la tentative de réécriture de l'Histoire (avec un grand H) ou ceux qui voyaient du nazisme partout (coucou Vlad) ont réagi véhément (et peut-être avec raison). Mais, pour le citoyen lambda qui a un souvenir fragmentaire de ses cours d'histoire, cet événement était moins évident à analyser. Après tout, Yaroslav Hunka, 98 ans, ressemble peu physiquement au méchant nazi qu'on a rencontré à maintes reprises dans d'innombrables scénarios hollywoodiens.
De mon côté, cet événement inattendu m'a amené à lire davantage sur la question et à avoir des discussions un peu surréelles à savoir si Yaroslav Hunka était un nazi ou pas. Ce débat, malgré ses nombreuses nuances de gris, me semblait plus léger que d'autres débats actuels, même si on parlait de nazisme.
Dernièrement, j'ai eu une discussion intéressante, mais sur un sujet plus difficile à aborder: les médias d'information. En cette ère (post)pandémique, il est assez commun de rencontrer un voisin, un ami ou une connaissance qui critique ouvertement les grands médias de masse pour de bonnes ou de moins bonnes raisons. J'expliquais donc à un ami, lors de cette discussion, que pour moi, la meilleure solution restait une pluralité de médias. En ayant des médias financés davantage par l'État (Radio-Canada), des grands médias privés (Québecor, La Presse, etc.) et d'autres plus petits médias, on pouvait s'assurer d'avoir toutes les informations et une pluralité de points de vue.
J'oubliais toutefois que ma position qui me semblait logique était aussi basée sur le fait que c'est ce que j'ai toujours connu. Mon ami, iranien d'origine, n'avait évidemment pas la même expérience par rapport aux médias. Pour lui, il faudrait que le peuple finance directement (sans passer par l'État) les médias pour éviter que ceux-ci hésitent à critiquer le gouvernement.
Puis, je réalisais que malgré cette pluralité de médias, il est rare qu'on les consulte tous à la fois. On choisit les médias qui nous intéressent et on délaisse (ou dénigre) les autres médias. Qui plus est, avec le blocage de Meta, on se retrouve encore plus à choisir nos médias, car il faut soi-même choisir quel média consulter plutôt que de laisser un algorithme imparfait nous bombarder parfois de chroniques de Richard Martineau. Dans ce contexte, les fausses nouvelles et la désinformation ont encore plus d'espace puisqu'ils ne sont généralement pas bloqués par Meta. Bref, alors que ma position me semblait toute blanche sur la question des médias, cette discussion a ajouté du gris et du noir à mon opinion.
Naturellement, on va recherche le noir ou le blanc, la vérité absolue, les réponses définitives. Cela est plus sécurisant que les nombreuses nuances de gris de la réalité. Recherchons le gris, les discussions, les débats, l'ouverture à d'autres points de vue, d'autres informations. Ce n'est pas en se confinant dans notre chambre d'écho qu'on pourra évoluer.
1 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2013402/justin-trudeau-excuse-soldat-nazi-hommage
2 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2014152/groupe-ukrainien-nazi-ss-parlement